Par Kim Picard-Lavigne

En amorçant cet article, j’ai d’abord pensé au titre suivant: De rêves et d’eau, une lecture pour le 22 avril. J’ai finalement changé d’avis… Le jour de la Terre approche à grands pas et nous allons sûrement vouloir présenter une lecture écologique en classe. La bonne. Celle qui convaincra nos élèves qu’il faut faire quelque chose pour sauver notre planète. Mais laquelle? De rêves et d’eau m’a rappelé que c’est tout au long de l’année que ces albums sont essentiels. Nécessaires, car ils amènent les enfants à réfléchir, à se questionner sur le triste lien que nous entretenons avec notre planète. Car des questionnements, ils en auront en lisant cet album. Aurons-nous réponse à tout? Non, je ne crois pas.

Ainsi, pour le 22 avril (et le reste de l’année), je vous présente l’album De rêves et d’eau, de Louyuling Ice et Heibai publié aux Éditions Père Fouettard.

Au milieu d’une vaste étendue d’eau, une fillette vit seule dans une maison sur pilotis. Un matin, elle plonge dans les vagues et entreprend un voyage merveilleux jusqu’à une île colorée et lumineuse… Voilà ce que vous et vos élèves pourront lire sur la quatrième de couverture. Un résumé qui n’en dit pas trop, mais qui amène cependant à faire d’intéressantes prédictions.

Sur la première de couverture, les enfants découvriront un personnage (une petite fille) coincée sur une île minuscule au milieu de « nul part ». Un portrait saisissant avant d’amorcer la lecture de l’album. « Mais elle ne peut pas vivre là-dessus! » se sont exclamés mes élèves.

Puis les premières phrases…

Un ciel gris,

un soleil fatigué.

des hommes enfermés.

le coeur rongé par les pluies acides.

Ici,

le monde a fait naufrage.

Sur des doubles pages associées, le lecteur découvrira une illustration étonnante; une maison flottante, faite de rebuts et de bouts de ferraille. Une étendue d’eau parsemée de déchets flottants. Un portrait loin d’être réjouissant.

Dès les premières pages, on constatera que la fillette est isolée. Le texte se lira comme un long monologue. Des regards tournés vers le passé, des questionnements lancés en l’air. Sans réponses. L’enfant s’adresse à son grand-père et à ses parents disparus. Elle les questionne, mais ne reçoit pas de réponses en retour. Rapidement, les élèves remarqueront que la fillette accumule des bouteilles de verre sur les tablettes d’une étagère. Dans celles-ci, cette dernière y glisse des avions en papier sur lesquels elle y écrit ses rêves. Un rituel qu’elle répète tous les jours. Des avions qu’elle voudrait bien faire voler jusqu’à sa famille. Sa famille disparue.

Plus on avance dans le texte, plus on comprend que le monde a changé. Qu’il ne redeviendra plus ce qu’il était avant. Un constat difficile pour les enfants (pour mes élèves de 2e année en tout cas!). En parlant des débris parsemés ici et là dans l’océan, la fillette ajoute: »Peut-on les rassembler, les recoller afin que le monde redevienne comme avant? » Encore une fois, aucune réponse en tournant la page.

Les petits et grands lecteurs seront certainement captivés par la mise en page de cet album. Il vaudra donc la peine d’en observer toute la diversité: association, dissociation, compartimentage, pages sans texte, etc. Cette grande diversité rythmera la lecture de l’album. Elle incitera le lecteur à prendre son temps à certains moments. De plus, en avançant dans le récit, on remarquera que les couleurs froides et grises du début s’estomperont pour laisser place à des couleurs plus gaies. En effet, parmi les déchets de l’océan, les questionnements de la fillette évolueront… Observant les fonds marins pollués (une ville engloutie), elle s’exclamera: »Les habitants de nos fonds marins ont déjà changé. Les déchets d’autrefois n’ont pas disparu. Ce que nous choisissons d’oublier ne cesse pourtant pas d’exister. »  Voilà un extrait intéressant nous permettant d’aborder le thème de l’empreinte écologique des humains, de la consommation responsable et de la gestion des déchets. Puis, emportée par des poissons, elle amorcera un grand voyage vers des eaux limpides. Brusquement, le gris disparaitra pour laisser place à des couleurs beaucoup plus vives. La fillette ira à la rencontre d’une Terre où des forêts vierges abritent des animaux magnifiques. Un voyage surréaliste dans ce qui nous semble être le passé ou encore un monde merveilleux.

Dans cette forêt aux mille et une couleurs, l’enfant découvrira un chemin la menant vers ce qui semble être les vestiges d’une ancienne vie (la sienne?). Le texte et les images laisseront place à l’interprétation. S’agit-il d’un rêve? D’un voyage dans le passé? Dans le futur? Dans cette forêt, l’enfant montera dans une maison construite dans un arbre. Cette petite cabane nous fera étrangement penser à la cabane flottante du début. Mais est-ce la même? Le monde a-t-il pu changer autant?

Vers la fin de l’album, alors que la fillette retourne dans sa cabane flottante, le lecteur retrouvera les bouteilles de verre contenant les rêves de l’enfant. Il serait intéressant de questionner les élèves en imaginant quels sont les rêves de la fillette. Les enfants pourraient également amorcer une réflexion personnelle pendant ou après la lecture. Quels sont leurs propres rêves pour la planète?

L’album se terminera sur une note plus nostalgique. Une lettre écrite par le grand-père. Dans celle-ci, ce dernier fera référence aux images, aux souvenirs, à ce qu’il a pu léguer à sa petite-fille. Il serait intéressant d’exploiter cette partie de l’album avec les élèves. Pourquoi le grand-père a-t-il laissé une lettre à sa petite-fille? Qu’avait-il à lui dire? Quel rôle les ainés ont-ils auprès des plus jeunes? Est-il important de se rappeler du passé pour mieux protéger notre futur?

 « Bleu azur devenu gris argent, le passé ne reviendra plus, nous devons protéger le monde qui nous entoure. »

Voilà donc un album magnifique qui mérite notre attention. Bonne lecture!