par Catherine Boissy


On entend parler de l’enseignement à partir de la littérature jeunesse un peu partout. Avec les nombreux groupes Facebook, les blogues et les ouvrages didactiques qui abordent le sujet, il est normal que les enseignants aient envie de se lancer dans cette pratique. Or, enseigner avec la littérature jeunesse n’est pas une recette en soi, mais plutôt une philosophie d’enseignement. Je ne prétends pas détenir LA formule magique: ce billet s’en veut un réflexif, un moment où je vous ouvre une fenêtre sur ma conception de l’enseignement à partir de la littérature jeunesse. Bien sûr, je me réjouis de voir les enseignants faire entrer de plus en plus les livres dans leur classe. Enseigner avec la littérature jeunesse est un enseignement des plus bénéfiques pour les élèves! Comme l’illustre si bien Yves Nadon: «on enseigne le ski avec de vrais skis. On enseigne le tennis sur de vrais terrains avec de vraies raquettes.» Il va de soi que nous avons besoin de livres dans nos classes pour apprendre à lire et à écrire, de beaucoup de livres! Le danger, à mon avis, c’est de vouloir promouvoir la littérature jeunesse à tout prix dans les classes sans toutefois être formé pour changer ses pratiques.

C’est en lisant les commentaires d’autres enseignants et en discutant avec certaines collègues que j’ai fait ce constat : beaucoup d’enseignants cherchent à utiliser les albums tout le temps et partout. J’aime faire la distinction entre l’enseignement à partir de la littérature jeunesse et faire la promotion de celle-ci au sein de son enseignement. La ligne est mince entre la lecture pour le plaisir et la lecture scolaire. Est-ce nécessaire de faire une activité pour chaque livre lu? Est-ce que réaliser un bonhomme de neige en bricolage après la lecture de 100 bonshommes de neige aidera l’élève à apprécier la littérature? Et les collections graduées respectent-elles vraiment le lecteur? Permettez-moi d’en douter.

lecture (1)

Je désire faire rayonner la littérature pour la jeunesse dans ma classe, transmettre cette passion de la lecture qui m’alimente et laisser une grande place aux livres dans mon enseignement. Je souhaite présenter des oeuvres de qualité et varier mes dispositifs d’enseignement. Certes, il y a de magnifiques livres pour amorcer des notions en numération, en univers social ou en sciences. Et je ne manquerai pas de les lire aux enfants! Or, je refuse de lire un livre à mes élèves, puis d’inventer des problèmes mathématiques avec les personnages. Je crois que c’est une erreur de dénaturer ainsi l’œuvre. Les lecteurs lisent pour apprendre des choses, pour s’évader dans un monde fictif, pour partager un bon moment seul ou avec quelqu’un… Les lecteurs parlent de leurs livres avec un ami, s’inspirent des auteurs pour écrire et trouver leur voix, laissent tomber un livre qui ne les intéresse pas et gardent précieusement un même titre pour le relire plusieurs fois. Comment pouvons-nous former des lecteurs pour la vie si on ne respecte pas leurs droits fondamentaux?

C'est Julie Robert qui m'a inspiré l'idée d'utiliser sa porte de classe pour annoncer l'auteur du mois.

C’est Julie Robert qui m’a inspiré l’idée d’utiliser sa porte de classe pour annoncer l’auteur du mois.

C’est avec cette philosophie que je mets un auteur ou un illustrateur en vedette dans ma classe chaque mois, que je laisse des périodes de lecture à soi et à l’autre quotidiennement, que nous écoutons des livres audio pendant la collation, que les élèves votent pour leur favori au combat des livres. C’est avec cette idéologie que j’ai adopté les ateliers d’écriture, que je prépare des rendez-vous littéraires avec les parents à la bibliothèque du quartier, que je me suis essayé à travailler un réseau littéraire cette année.

J’ai encore beaucoup à apprendre et à expérimenter, mais je le fais toujours avec cette vision de l’enseignement avec la littérature jeunesse. À la veille d’une nouvelle rentrée scolaire, c’est le meilleur moment de se questionner et de se fixer de nouveaux défis. Pennac écrivait: «Ce sont rarement les réponses qui apportent la vérité, mais l’enchainement des questions.» Qu’est-ce que ça veut dire pour vous «enseigner avec la littérature jeunesse» ? Qu’avez-vous envie d’expérimenter l’an prochain?


Pour vous procurer les oeuvres didactiques dont il est fait mention dans l’article…