Par Marie-Maude Bossiroy

Dans ma classe de français au secondaire, quelques-uns des élèves les plus faibles sont assez réfractaires à la lecture. J’ai à peine le temps de sortir un roman de ma mallette qu’ils soupirent déjà de découragement. En fait, ils sont effrayés, parce qu’ils savent d’emblée qu’ils n’arriveront pas à suivre le groupe. Serait-il  possible pour eux de renouer avec le plaisir de lire?

 

Un livre à sa pointure

Dans l’enseignement primaire, on insiste souvent sur la nécessité, pour les élèves, de s’approprier des œuvres « à leur pointure ».  Ainsi, un peu comme une paire de chaussures, l’oeuvre littéraire doit correspondre aux besoins particuliers de l’enfant. Bref, il y a une forme de différenciation qui est souhaitée et souhaitable, pour que tous aient un contact positif avec la lecture. On désire qu’ils puissent découvrir la littérature par l’entremise de lectures à leur niveau, puisque le plaisir de lire ne peut émerger quand la lecture suscite des sentiments d’incompétence, éprouvés à la suite d’échecs répétés.

 

Mais au secondaire, les réflexions sur le choix de livres « à leur pointure » semblent moins présentes. En raison de diverses contraintes (plus ou moins incontournables…), il faut uniformiser les lectures. Certains élèves en difficulté (notamment ceux ayant des troubles d’apprentissage) ne sont alors confrontés qu’à des œuvres apparaissant hors de leur portée. De fait, la lecture, de manière générale, les dégoûte.

 

Louis parmi les spectres

Je n’ai pas de solution miracle à ce grand problème, mais j’ai récemment vécu une petite victoire, qui mérite, je crois, d’être partagée. Après avoir lu Louis parmi les spectres du tandem Fanny Britt et Isabelle Arsenault, une élève en difficulté est venue me voir pour me dire: « Madame, c’est le premier livre que j’aime lire. » Pour moi, ce genre de commentaire d’élève donne du sens à la profession enseignante.

 

Publié en 2016 chez La Pastèque, Louis parmi les spectres raconte l’histoire d’un garçon âgé de onze ans, qui observe, inquiet, les ravages causés par la séparation de ses parents. En même temps, il vit lui-même de premiers émois amoureux, mais la timidité le retient de s’avancer vers Billie. Très intimiste et touchant, le récit aborde des thèmes comme l’alcoolisme, l’amitié, la compassion et le courage. D’une qualité exceptionnelle, les illustrations d’Isabelle Arsenault peignent la mélancolie comme l’espoir avec autant de finesse. Ainsi, c’est une oeuvre littéraire à la fois courte et intense, simple et riche. Cette proposition permet donc d’offrir aux élèves des textes qu’ils sont en mesure de s’approprier, sans avoir l’impression de faire du « nivellement par le bas », en présentant du contenu insipide.  Il est vrai que les enseignantes peuvent avoir l’impression de devoir faire des compromis sur la qualité, en mettant au programme des textes faciles qui plairont aux élèves. Ce n’est absolument pas le cas avec Louis parmi les spectres, une bande dessinée dont la grande sensibilité saura émouvoir plusieurs générations d’élèves.

© Fanny Britt et Isabelle Arsenault, « Louis parmi les spectres », La Pastèque.*

 

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* Extrait diffusé dans l’article avec l’accord de l’éditeur.