Par Benita Kanozayire et Lucie Béchard


C’est la fin d’étape. Le tourbillon des évaluations et de la correction vous a peut-être déjà happé.e.s. La bonne nouvelle, c’est que vous avez suffisamment de matériel pour évaluer la lecture, l’écriture, les mathématiques… Univers social, ça ira… Sciences, j’y arrive. Arts plastiques, un projet est en cours… Éthique et culture religieuse? Zut! Quoi faire de signifiant avec le peu de temps qu’il reste?

C’est ici qu’on intervient! Deux albums géniaux nous ont sauvées à plus d’une occasion par le passé. Chacune des lectures se vit bien en une demi-journée. Elles vous permettront non seulement d’avoir une trace pour évaluer l’ECR et la communication orale, mais elles pourront aussi faire naitre des discussions fort enrichissantes avec vos jeunes.

La question de Dieu d’Oscar Brenifier et Jacques Després aux éditions Nathan

Tiré de la collection Philozidées, l’album a pour prémisse le questionnement sur tout ce qui a trait aux croyances religieuses sans toutefois associer une affirmation à une religion donnée. L’auteur, docteur en philosophie et formateur, s’y prend habilement, tout en simplicité et en neutralité. Il propose des affirmations en opposition et laisse la chance au lecteur de se faire sa propre idée. Oscar Brenifier a opté pour une structure répétitive qui facilite la lecture tout en favorisant la réflexion chez les élèves.

 

Certains pensent qu’il n’existe qu’un seul Dieu, unique et tout-puissant, même s’il prend différents noms selon les croyances. D’autres pensent qu’il existe d’innombrables dieux qui ont leur propre nature et leur propre pouvoir.

Les illustrations sont en parfaite collaboration avec le texte. Qui plus est, Jacques Després utilise un procédé tout à fait original : l’imagerie virtuelle. Les illustrations ne sont pas sans rappeler les jeux vidéos, ce qui plaira certainement à vos élèves. Vous pouvez d’ailleurs y jeter un coup d’œil sur le site de l’éditeur.

Les échanges entretenus avec des élèves de 6e année nous ont tout simplement secouées! Nous pensons souvent, à tort, que de parler de religion avec des enfants peut être délicat. À notre plus grande surprise (et bonheur!), nous avons réalisé à quel point nos élèves furent capables de s’exprimer par rapport à leur foi ou l’absence de celle-ci. Le tout en faisant preuve de nuance et de respect. Suite aux discussions, nous proposons de faire remplir un questionnaire hors du commun. Ce dernier ne cherche pas à valider la compréhension du texte, mais bien à connaître où se situent les élèves par rapport à l’une ou l’autre des affirmations.

Pour « l’évaluation », il suffit simplement de juger de la qualité des justifications, et non pas des croyances comme telles, bien évidemment.

Nous avons ensuite décidé de « sortir » l’exercice de son canevas papier. Nous avons lu les affirmations à voix haute puis nous leur demandions de se positionner physiquement dans la classe selon leur réponse. Par exemple, « si tu es en désaccord avec l’affirmation, place-toi près du tableau, si tu es en accord, place-toi à l’opposé. »

Les élèves pouvaient ensuite justifier oralement leurs opinions. Le plus intéressant dans cet exercice, c’était de voir que les réponses de certains entrainaient un repositionnement chez d’autres élèves. Il arrivait souvent qu’un ou plusieurs élèves nuancent leur opinion en se déplaçant d’un côté ou de l’autre de la classe suite à l’explication d’un de leur camarade. Un véritable moment coup de cœur pour nous deux!

Nous vous proposons également quelques pistes pour aller plus loin :

Analyser les illustrations :

o Elles sont extrêmement intéressantes et puissantes puisqu’elles nous demandent de réfléchir afin de trouver le lien entre le texte et l’image.

o Interpréter les illustrations avec les élèves ou en lecture en duo.

Réfléchir sur des questions éthiques et pratiquer le dialogue :

o Choisir une double-page et demander aux élèves ce qu’ils en pensent. Animer un débat. Demander aux élèves de choisir une double-page et de développer leur opinion par écrit.

Discuter de l’actualité :

o Amener les élèves à réfléchir sur la vie des enfants soldats, de la persistance des conflits du rôle de la religion dans certaines guerres, sur la différence entre le terrorisme et la religion.

Culture religieuse: explorer ces différents thèmes ;
o Les livres sacrés (p.7-8)
o Les lieux de culte (p.9-10)
o La mort (la vie après la mort) (p.25-26)

Mathématique : Les statistiques – Suite au questionnaire Dieu et toi,

o Construire un tableau de données avec les positions des élèves pour chaque question (PDA, 2e et 3e cycle)

o Calculer la moyenne arithmétique pour chaque question (PDA, 3e cycle)

o Construire un diagramme (au choix) pour représenter les résultats.

Voici la planification de la lecture interactive incluant le questionnaire : La question de Dieu

Comment j’ai raté ma vie de Bertrand Santini et Bertrand Gatignol publié aux éditions Autrement

La couverture à elle seule suffit pour susciter la curiosité des lecteurs. Un jeune garçon trépidant de joie, souriant qui a, vraisemblablement, raté sa vie? Comment? Dès lors, les hypothèses fusent chez les élèves. L’intention de lecture commune devient assez claire : découvrir ce qui lui est arrivé pour gâcher sa vie.

 Tout se passait bien… jusqu’au jour où j’ai grandi.

 

 

Ce qui frappe à la lecture de l’album, c’est le rapport texte-image en opposition. Par exemple, dans la double page, on y lit « Petit j’habitais un immense château » et l’illustration nous montre une petite maisonnette délabrée. Ensuite, l’auteur parle de celle-ci « au cœur d’une forêt magique » alors qu’en réalité, elle est au cœur d’une ville surpeuplée de cheminées crachant de la fumée opaque et nauséabonde. Ainsi, il relate sa vie d’enfant avec un regard féérique et idéaliste, jusqu’au jour où tout se gâte. Il grandit. Il devient laid, menteur, misérable. Or, les illustrations montrent le personnage comme ayant vraisemblablement réussi dans la vie : riche, beau, puissant. Si tel est le cas, a-t-il réellement raté sa vie? Qu’est-ce qu’une vie réussie? Sa vie d’enfant était-elle si misérable tel que les illustrations portent à le croire?

Dès la première lecture de cet album, nous avons tout de suite vu l’immense potentiel en réflexion éthique, certes. Mais également celui de travailler la stratégie « Se créer des images mentales ». C’est pourquoi nous suggérons de faire la lecture en 3 temps :

  • une première fois, en lisant le texte à voix haute, sans montrer les illustrations;
  • une seconde fois, en présentant uniquement les illustrations
  • une dernière fois, texte et images

Encore une fois, les discussions avec les jeunes du 3e cycle furent très riches. Nous avons procédé à la même activité décrite plus haut, la prise de position physique dans la classe. Le débat le plus intéressant s’est vécu autour de l’affirmation selon laquelle il fallait faire de longues études afin de faire de l’argent. Les arguments ont été bien défendus et nuancés : Victor a pris la peine de préciser qu’en général, c’est bel et bien le cas, mais que certains cas font exception, par exemple les athlètes ou les acteurs.

Autre moment particulier : lorsque toute la classe, à l’exception d’un seul enfant, s’est rangée du côté « en désaccord » quand nous avons affirmé qu’il fallait nécessairement avoir de l’argent pour être heureux plus tard.

Un autre moment fort tiré d’une activité simple, ludique, mais efficace pour pratiquer le dialogue et, par le fait même, évaluer la qualité des arguments de nos élèves.

Vous pouvez télécharger la planification de la lecture interactive, de même que le questionnaire en cliquant sur le lien ici: Comment j’ai raté ma vie 

Pour clore l’étape, laquelle des deux activités proposées allez-vous essayer avec vos élèves?

Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans cet article :