par Benita Kanozayire avec la collaboration de Jeanne Larocque-Jeffrey, orthopédagogue au secondaire (CSS de la Capitale) et Liza Mclaughlin , éducatrice spécialisée (Ratihen:te highschool)


 Au printemps dernier, je vous parlais de l’éducation anti-raciste et l’un des gestes proposés était de diversifier vos bibliothèques et d’y inclure des œuvres littéraires incluant des personnages racisés. Le contexte #blacklivesmatter a ouvert les yeux à bien des enseignant.e.s : l’article a joui d’une visibilité assez impressionnante. J’en suis encore surprise et émue. Étant moi-même dans ce cheminement, je suis de plus en plus sensible aux enjeux des personnes marginalisées au-delà des personnes noires. Par souci de cohérence, je me dis que les peuples autochtones du Québec et du Canada méritent la visibilité qui leur a été enlevée. Et comme je l’ai déjà dit pour les Noir.e.s, il est important de parler des luttes et des traumas, mais leur existence ne se résume pas qu’à cela. 

L’idée m’est venue de vous présenter des véritables bijoux littéraires pour le primaire et le secondaire. Mais avant toute chose…

Un peu d’histoire et de vocabulaire

Saviez-vous que :

  • le mot autochtone inclus les membres des peuples Inuit, des Premières Nations et des Métis?
  • les 11 nations autochtones sont réparties dans tout le Québec, qu’ils représentent 2.3% de la population et que le taux de croissance est 4x plus élevé que chez les non-autochtones?
  • qu’une grande partie du territoire québécois, surtout celui de la grande région de Montréal, est considéré comme territoire non-cédé, c’est-à-dire qu’il appartient au Premières Nations et se gère par ses membres, contrairement aux réserves? Cliquez ici pour accéder à une carte interactive)

Saviez-vous que :

  • en 2020, certaines réserves n’ont toujours pas accès à des installations sanitaires convenables comme l’eau potable et au même éventail de services de santé et services sociaux?
  • qu’un autochtone est encore considéré comme un mineur aux yeux de la loi, donc ne peut posséder une propriété? Un autochtone inscrit (dit Indien inscrit par le gouvernement qui refuse le changement le terme péjoratif par celui utilisé par les autochtones eux-même) est sous la tutelle du gouvernement fédéral et ne peut donc prendre aucune décision financière de façon autonome.

Saviez-vous que:

  • chez les Iroquois des 5 nations (Haudenosaunee), leur système politique et leur organisation communautaire était matrilinéaire? Que les femmes avaient le droit de se séparer d’une union qui n’était plus satisfaisante? 
  • que le mot Canada, vient du mot Mohawk (Kaniehkeha) “khanata” qui signifie village?
  • que les communautés autochtones accordent une immense place à la tradition orale et à l’importance de se raconter des histoires?

Frappant, n’est-ce pas? Ce sont des questions qui ouvriraient bien la discussion avec vos jeunes du primaire et du secondaire. Ces vidéos tirés de la série documentaire Briser le code pourrait également servir de point de départ lors de vos périodes d’univers social notamment. Pour accéder à la vidéo, cliquez sur l’image.

Quels gestes concrets pouvons-nous poser?

Pour s’inscrire dans une démarche authentique de décolonisation, d’indigénisation et de réconciliation, Liza Mclaughlin, qui travaille en milieu autochtone comme éducatrice spécialisée dans une école secondaire Mohawk, l’explique très bien ici.

Décolonisation: 

Retirer ce qui a été biaisé par le colonisateur blanc. Par exemple, arrêtant d’assoir les enfants en rangs d’oignons à l’école car ils rappellent l’influence du clergé dans l’éducation en pensionnats. Également en choisissant des manuels qui présentent les deux côtés de l’histoire. En arrêtant d’utiliser le terme “découverte”, mais plutôt “premiers contacts”, notamment. 

Indigénisation: 

Intégrer le plus possible le point de vue autochtone dans le quotidien. Reconnaître le territoire sur lequel on se trouve, traduire quelques mots dans la classe dans la langue de la nation la plus proche, faire venir un conférencier autochtone pour parler de l’histoire de sa nation selon leur point de vue, mentionner ou fêter les différentes journées (la récolte, la journée chandail orange, la journée des peuples autochtones, etc), 

Réconciliation: 

Enseigner l’histoire des pensionnats autochtones, les impacts que ça a encore aujourd’hui, écouter des témoignages sans être en mode défensive ni s’exclure de la solution, sous prétexte que c’était l’erreur de nos ancêtres. Parler des enjeux autochtones, comme l’accès à l’eau potable ou des femmes disparues et militer pour qu’il y ait des changements. 

Les œuvres suggérées

  • pour le préscolaire et premier cycle 

 La mitaine, The  mitten, Mitchikawin de Sylvain Rivard aux éditions Hannenorak

Ce court album trilingue (français, anglais et anicinapemowin) fait partie de la collection C’est la terre qui m’habille aux Éditions Hannenorak, maison d’édition étable à Wendake spécialisée dans les oeuvres autochtones. On nous y présente la mitaine sous toutes ses formes : de four, d’hiver, de hockey ! Il vous permettra d’aborder le legs de la culture autochtone dans notre quotidien avec les plus jeunes.  

 

Awâsis et la délicieuse bannique, de Dallas Hunt et Amanda Strong aux éditions Scholastic

On raconte l’histoire d’une fillette qui doit aller porter des banniques à un proche, à la demande de sa grand-mère. Elle égare le goûter en question et demande l’aide des animaux qu’elle rencontre sur son chemin. Chacun lui donne en offrande les ingrédients dont elle a besoin pour en cuisiner de nouvelles. On aime la structure répétitive, les gestes bienveillants des animaux et les termes en langue crie insérés tout au long du récit. On adore la recette incluse à la toute fin, ainsi qu’un glossaire qui apprend également aux enfants comment prononcer certains des mots.

  • pour le 2e et 3e cycle

Quand on était seuls, de David A. Robertson et Julie Flett, aux éditions Des Plaines

Si vous souhaitez aborder la réalité des pensionnats avec douceur et authenticité, c’est véritablement l’album qu’il vous faut. C’est un récit en parallèle, une discussion entre une fillette et sa grand-mère. La petite demande candidement à différentes questions telles “pourquoi portes-tu des vêtements colorés? pourquoi as-tu de longues tresses?” La grand-mère relate son vécu et explique l’importance de se réapproprier sa culture. Un super album pour sensibiliser à la Journée du chandail orange

 

 

  • pour 3e cycle et le secondaire

L’ambassadrice de la paix Thanadeltur de David Alexander Robertson 

Les bandes dessinées de la série Nation Big Spirit  : d’hier à aujourd’hui présentent chacune un héros autochtone méconnu. Leur format plaît aux lecteurs plus réticents et le contenu y est riche. Pourquoi ne pas partir de l’une de ces histoires pour travailler la biographie de personnages historiques autochtones en deuxième secondaire ?

 

 

8tlohaw8ganal, Légendes de Nicole o’Bomsawin, illustré par Sylvain Rivard aux éditions Hannenorak

Un album qui propose deux légendes de la mythologie w8banaki. Si les thèmes abordés conviendront également aux 2e et 3e cycle, les adolescents sauront sans aucun doute apprécier la richesse du texte et ses nombreuses figures de style. Les illustrations rappellent la gravure sur bois et le collage: un beau projet en arts pourrait en émaner. 

 

Évidemment, il en existe plusieurs autres, Liza a la générosité de vous offrir une bibliographie complète et des pistes pour enrichir notre culture générale sur les communautés autochtones (films et musique). Pour accéder aux document, cliquez sur l’image ci-dessous

Et vous, de quelle façon allez-vous mettre en lumière davantage les peuples autochtones dans vos classes?


Je tiens à remercier chaleureusement Jeanne et Liza pour leur précieuse collaboration. Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans l’article, c’est par ici: