Par Mélina Schoenborn

Le soleil de février entre à flots dans la bibliothèque Marc-Favreau, où l’auteure-illustratrice nous a donné rendez-vous. Bien installée dans une petite salle habituellement destinée aux animations jeunesse, elle mentionne son attachement pour ce lieu inspirant, dont elle connait tous les racoins. « J’aime beaucoup venir travailler dans cette bibliothèque parce qu’elle est super lumineuse, dynamique, et qu’on a le droit d’y manger des collations »! confie l’auteure-illustratrice en riant.

C’est que Marianne Dubuc est actuellement en période de recherche et d’écriture. Elle jongle avec les éléments visuels et narratifs d’un nouveau récit, qui se situera dans une forêt. Il lui faut donc étudier les essences d’arbre, les feuillages, les branches. L’automne dernier, elle est allée faire du repérage sur le mont Royal et au Jardin botanique « Mais je vais devoir compléter ma recherche dans les livres, puis sur Internet, parce que ce n’est pas évident de dessiner une forêt d’été… en plein hiver! Passer du temps à la bibliothèque me permet de mieux me concentrer, et c’est pratique d’avoir tous ces ouvrages à portée de main ». Le seul matériel dont elle a besoin lors de cette étape : du papier et un crayon de plomb.

Une image, puis mille mots

Comment vient l’inspiration à celle qui a écrit et illustré Le carnaval des animaux et Devant ma maison, Le lion et l’oiseau (Prix littéraire du Gouverneur Général, illustration 2014), L’autobus, Prix TD de la littérature jeunesse 2015, et  La tournée de Facteur Souris (Prix jeunesse des libraires du Québec 2016) ?

« Les images surgissent toujours en premier, puis ensuite vient le texte » , explique celle dont les albums séduisent à tout coup des milliers d’enfants, de parents et d’enseignants. Pour que les idées émergent, il faut s’asseoir, esquisser, écrire. Marianne Dubuc noircit donc des cahiers entiers de notes, d’ébauches de dessins et de scénarios présentés sous forme de cases. « J’ai comme des boîtes dans ma tête. Quand je suis une maman, je suis une maman, c’est tout. Quand je vais reconduire mes enfants à l’école, je ne réfléchis jamais à mon prochain livre, explique la mère de deux enfants. Il faut vraiment qu’il y ait un dialogue entre moi et la feuille! ».

Bécassine et les autres

Autoportrait par Marianne Dubuc à 8 ans

Autoportrait à 8 ans

Petite, Marianne dessinait toujours, et les cadeaux d’anniversaire qu’elle recevait étaient toujours des crayons.« Je n’avais pas de frères et sœurs et mes parents me trainaient partout. Pour m’occuper, je dessinais. J’aime encore beaucoup acheter des crayons, et je raffole des papeteries ! ».

Parmi les personnages de son enfance qui l’ont marquée, dans les livres ou à la télévision : Bécassine, inventée par Emile Joseph Porphyre Pinson en 1905, et Fifi Brindacier (Pippi Långstrump en suédois), « un beau personnage féminin, fort, gentil et généreux. J’ai d’ailleurs découvert avec plaisir les dessins originaux faits par Astrid Lindgren avec mes enfants ».

Kolargol, le petit ours avec un faux col qui chante en fa bémol (Radio-Québec), lui a également laissé une forte impression. « J’adorais les couleurs dans cette émission. Au début, j’essayais de retrouver cela dans mes dessins. Les sources d’inspiration peuvent parfois venir de loin : je me suis même rendu compte, en regardant Passe-partout avec ma fille, que j’avais créé des personnages qui ressemblaient à ceux qui décoraient la chambre de Cannelle et Pruneau! ».

Marianne et Bécassine

Marianne et Bécassine

Aujourd’hui, elle aime beaucoup les livres de Richard Scarry (États-Unis) et ceux de Rotraut Suzanne Berner (Allemagne). « Je me suis d’ailleurs inspirée de ces univers très riches quand j’ai dessiné La tournée de Facteur Souris, publié aux éditions Casterman ». Elle mentionne également l’illustratrice Gerda Muller (Pays-Bas), et les auteurs-illustrateurs Anne Brouillard (Belgique), Tomi Ungerer (France), et Kittie Crowther (Belgique) qu’elle admire énormément.

Du pousse-mine au prismacolor

Depuis son premier livre, La mer, paru aux éditions La pastèque en 2007, Marianne a publié plus d’une dizaine d’ouvrages à titre d’auteure-illustratrice ou d’illustratrice, pour La courte échelle, Casterman, La Pastèque et Comme des géants. Les outils qui lui conviennent le mieux: le pousse-mine 2B .5, une boîte de prismacolors, et des tubes d’aquarelle. De manière générale, elle se sert d’une table lumineuse pour apposer l’aquarelle sur une esquisse détaillée, avant de compléter avec des touches de crayons de bois. Puis, elle ajoute les lignes, les détails et la texture à l’aide du pousse-mine.

On reconnaît bien son style, tendre et espiègle, dans lequel les animaux sont à l’honneur, toujours, et où les bleus et les verts prédominent sous des accents de couleurs vives. « Je ne me suis pas tannée encore, car je ne me suis même pas trouvée tout à fait! Comme j’ai été maman à la maison jusqu’à cette année (sa plus jeune vient d’entrer à la maternelle), je n’ai pas beaucoup le temps d’explorer en dehors de mes livres ».

Chaque projet est donc une occasion pour l’artiste d’essayer de nouvelles techniques. « Par exemple, j’ai toujours aimé dessiner sur du papier calque, notamment dans mes cours de maths au secondaire. J’ai eu envie de l’utiliser dans L’autobus (Comme des géants). Le papier calque donne un effet de profondeur et une douceur aux images ». Pour La tournée de Facteur Souris (Casterman), elle a opté pour la colorisation à l’ordinateur à l’aide du logiciel Photoshop. « Comme d’habitude je fais tout à la main, j’ai souffert beaucoup pendant le processus, avoue-t-elle en riant. Mais je suis vraiment  contente du résultat! ».

Le papier calque

Le papier calque

Dessine-moi un cheval, une princesse… ou une souris

Marianne et sa fille en action

Marianne et sa fille en action

Marianne Dubuc se rend régulièrement dans des classes au préscolaire pour faire la lecture de ses livres et dessiner. « Je demande aux enfants de me faire des suggestions de sujets. C’est drôle, parce que le cheval et la princesse me sont proposés à tout coup. Ce sont des incontournables ! ».

Nous lui avons demandé de dessiner une souris pour les lecteurs de J’enseigne avec la littérature jeunesse. Elle fait apparaitre son pousse-mine, son pinceau, ses tubes d’aquarelle, ses crayons de bois, et se met à l’œuvre. « J’espère que ça sera beau. C’est un peu stressant », dit-elle. Et tandis qu’elle trace les contours d’un mignon petit rongeur, sa fille, assise à la table d’à côté, colorie des extra-terrestres avec ses crayons de feutre. « Elle aime beaucoup dessiner! ». Tiens donc…

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© Casterman / Marianne Dubuc « La tournée de Facteur Souris ».*

Quelques idées pour exploiter La tournée de Facteur Souris dans votre classe…

  • Proposer à vos élèves de dessiner leur maison idéale

À quoi ressemblerait cette maison idéale?
Est-ce qu’elle serait sous la terre, dans les arbres, sur pilotis, au dessus de la mer?
Comment on y accèderait?
Qu’est-ce qu’il y a aurait à l’intérieur?

  • Proposer à vos élèves de s’identifier à l’animal qui y habiterait, et de le dessiner.

Quel animal voudrait-il être? Pourquoi?


Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans l’article…
            


CC   © Mélina Schoenborn (photos et texte)

*Extrait diffusé dans l’article avec l’accord de l’éditeur.