Par Lucie Béchard et Benita Kanozayire


Quoi de mieux pour souligner le Jour du Souvenir que d’utiliser la littérature jeunesse? Nous vous proposons deux chefs-d’œuvre pour aborder le thème de la Première Guerre mondiale avec vos élèves. Le sujet est d’autant plus pertinent au 3e cycle puisque c’est un contenu à aborder en univers social. De plus, ces deux albums susciteront assurément des réactions chez les élèves par leurs textes et leurs illustrations puissantes.

Le petit inconnu au ballon, l’œuvre…

Cet album de Jean-Baptiste Cabaud et Fred Bernard, publié chez Le baron perché, met en scène un champ de bataille durant la Première Guerre mondiale. Non loin de là, une longue file d’exilés qui tentent de fuir. Alors qu’un ballon rouge se met à dévaler la colline, un petit garçon court à sa poursuite. Lorsqu’il finit sa course, l’enfant se retrouve au beau milieu des deux camps. C’est alors que tout s’arrête, pour un instant. Le bambin en profite donc pour s’enfuir.

En utilisant la narration au « tu », Jean-Baptiste Cabaud réussit à interpeler le lecteur et à l’amener à s’identifier au personnage. Aussi, il utilise l’apostrophe en nommant son destinataire, comme dans l’extrait suivant :

« Tu sais, petit enfant, c’était il y a longtemps. C’était l’hiver et c’était la guerre. Celle qu’on a appelé « la Grande », « la Mondiale », « la Première » mais aussi « la Dernière ». Celle qu’on n’a finalement jamais trop su comment appeler. »

De plus, l’auteur nous dépeint les sentiments et les pensées qui habitent les soldats durant la guerre; le désespoir, la colère, la peur, la fatigue et même la folie. Les mots sont puissants et le texte contient beaucoup d’éléments d’informations au sujet du contexte de cette guerre.

Les illustrations de Fred Bernard sont percutantes. L’utilisation du noir et blanc dépeint parfaitement l’atmosphère froide et grave qui régnait partout dans le monde. Il a choisi d’utiliser la couleur rouge afin de mettre l’accent sur le jouet du garçon. Il est à noter que la lettre o est souvent en rouge pour rappeler la couleur du ballon du petit garçon. Ballon qui s’avère être le trésor d’une valeur si inestimable pour ce dernier, qu’il est prêt à risquer sa vie pour le préserver.

Le petit inconnu au ballon, en classe…

Suite à la lecture de l’album, nos élèves de 6e année ont réfléchi sur le trésor qui, pour eux, valait assez cher à leurs yeux pour vouloir le sauver à tout prix. Cette réflexion s’est finalement traduite en une création artistique personnelle. À l’aide de pastel gras sur un canevas à l’italienne semblable à l’album, chaque élève s’est mis à la place du personnage principal. La tâche était simple : si tu n’avais qu’un trésor à sauver, quel serait-il? Afin de se rapprocher des illustrations de Fred Bernard, nous avons demandé d’utiliser deux couleurs, soit une froide (noir, gris ou brun) ainsi qu’une couleur chaude, celle dominante, de la même manière dont l’illustrateur s’était habilement servi du rouge dans l’œuvre.

Pour télécharger la planification de la lecture interactive, accompagnée de celle du projet d’art, c’est ici!

L’ennemi, l’œuvre…

Cet album a été écrit en collaboration avec Amnesty international. D’entrée de jeu, nous devons vous dire à quel point cet album de Davide Cali et Serge Bloch, publié aux éditions Sarbacane, fût un coup de cœur dans chaque classe qui l’a lu. Dès la page couverture*, les hypothèses fusent de toute part. L’illustration nous montre un général souriant, couvert de médailles et avec la main ensanglantée. Les pages de garde aussi nous aident à prédire le récit. Les premières nous montrent une série de soldats tandis que, dans les dernières, deux sont disparus. La structure est particulière puisque l’album contient un prologue qui se trouve avant la page titre. C’est ainsi que Davide Cali a décidé de mettre en scène le récit.

« C’est la guerre. On voit quelque chose qui pourrait être un désert… dans lequel il y a deux trous. Dans les trous, deux soldats. Ils sont ennemis. »

L’ennemi, c’est l’histoire de deux soldats, chacun dans leur tranchée. On suit les activités quotidiennes de l’un d’entre eux ainsi que ses pensées. Le texte de Davide Cali regorge d’indices à propos du quotidien des soldats lors de la Première Guerre mondiale. La solitude, le froid, la pluie, les questionnements, la suspicion… tant de préoccupations habitent le personnage principal esseulé à cause d’une guerre interminable. Avec sensibilité, il réussit à faire comprendre aux jeunes lecteurs les effets pervers de la propagande. Finalement, ils arrivent à comprendre que chacun a le pouvoir de changer les choses. Il ne suffit que de se parler…

Serge Bloch, quant à lui, a utilisé le collage et le dessin afin de soutenir le récit. En toute sobriété, ses illustrations viennent aider le lecteur à s’engager dans la lecture et à en comprendre les subtilités.

L’ennemi, en classe…

À la fin du récit, on voit les deux soldats s’échanger un message dans une bouteille lancée dans le trou de son opposant. Bien évidemment, nous avons demandé aux élèves quel était, selon eux, le contenu de cette lettre. Nous avons voulu aller au-delà de la simple question d’interprétation en fin de lecture. Les élèves de 6e se sont prêtés au jeu et ont personnifié un des soldats dans une activité d’écriture. En assignant des camps fictifs au hasard (ex. bleu VS rouge), nous leur avons demandé de rédiger une lettre à leur ennemi. Vous pourriez décider d’imposer certaines contraintes d’écriture afin de vous en servir comme évaluation. Dans notre cas, nous avons laissé le champ libre aux enfants et le résultat était surprenant, voire touchant!

L’expérience de partage a rendu le tout encore plus engageant pour eux : de chaque côté de leur tranchée, ils ont lancé leur message à leur « ennemi » qui a ensuite lu à voix haute la lettre ramassée au hasard sur le sol. Une activité signifiante et coup de cœur tant pour les enfants que pour les enseignantes!

Pour télécharger la planification de la lecture interactive, avec une analyse littéraire en bonus, c’est ici!

** MISE À JOUR *** Une grille d’évaluation clé en main pour la situation d’écriture à télécharger ici :

L’ennemi – Grille d’évaluation

Et maintenant, on apprécie…

Suite à la lecture de ces deux superbes albums, les élèves feront assurément des liens entre les deux œuvres. C’est là que le carnet d’appréciation vous sera utile. Il est alors pertinent de leur demander d’identifier les ressemblances et les différences par rapport à l’intrigue, aux personnages, au cadre du récit, au registre de langue, etc. De plus, ils pourront s’exprimer quant à leur œuvre préférée et les raisons qui motivent leur choix.

Pour télécharger le carnet d’appréciation en format 8’’x14’’, c’est ici !

Jour du Souvenir ou non, nous espérons vous avoir fourni des pistes d’exploitation pertinentes pour vos jeunes. Bonne lecture !

*D’après la version éditée avant 2016

Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans l’article :