Par Benita Kanozayire, Lucie Béchard et Amélie Ponton


La formation continue, on y croit et on y tient, assez pour se lever un samedi matin afin de se déplacer jusqu’à l’université. D’autant plus que les formatrices nous amènent plus loin dans nos pratiques pédagogiques. En octobre dernier, nous avons eu toutes les trois la chance d’assister à une formation au Centre de diffusion et de formation en didactique du français (CDFDF), formation donnée par Isabelle Montesinos-Gelet, une des rédactrices en chef de l’incontournable revue Le Pollen. La formation avait pour titre: Apprendre à produire des phrases complexes à l’aide de la littérature jeunesse. Nous en sommes ressorties la tête pleine d’idées concrètes et originales pour bonifier notre utilisation de nos œuvres chouchous. Pour couronner le tout, notre vision de l’enseignement de la grammaire a été bousculée pour le mieux.

Les objectifs de la formation 

  • Observer et décomposer des phrases complexes à partir d’œuvres de littérature jeunesse déjà connues des élèves;
  • Fusionner des phrases minimales et proposer plusieurs solutions d’énonciation;
  • Apporter un nouveau regard sur l’enseignement grammatical et les unités porteuses de sens;
  • Suggérer des dispositifs à mettre en place pour améliorer l’énonciation chez nos élèves en situation d’écriture.

Il ne faut pas oublier que les œuvres littéraires existent pour être lues et vécues. Toutefois, il est pertinent de les revisiter sous différents angles, notamment celui de l’écriture.

Voici maintenant ce que nous avons retenu de la formation et ce que nous avons réinvesti dès le lundi suivant.

Coup de cœur de Benita : la résolution de problèmes linguistiques

Depuis plusieurs années, je fais des dictées métacognitives (aussi connues sous le nom de dictées « zéro fautes ») avec mes élèves.  J’aime (j’adore!) enseigner la grammaire ainsi, surtout depuis que je m’inspire des albums pour choisir mes phrases. J’adore voir les élèves se questionner et justifier leurs choix orthographiques et grammaticaux à partir de leurs connaissances antérieures. J’adore surtout cultiver le doute orthographique en situation d’écriture. Quand notre formatrice a présenté la démarche pour l’énonciation de phrases complexes, elle a parlé de résolution de problèmes linguistiques. J’ai été conquise! Parce que c’est ça, au fond, l’autocorrection. C’est de chercher des solutions à nos problèmes orthographiques et grammaticaux à partir des informations que nous avons. Dès lors, j’ai voulu inclure cette démarche dans mon enseignement, tant pour les dictées métacognitives que durant la phrase du jour. En effet, on travaille la résolution de problèmes mathématiques, pourquoi ne pas résoudre des problèmes linguistiques?

Ce que j’ai retenu, aussi, c’est que nous pouvons utiliser les livres que nous possédons déjà à cet effet, pour la plupart. Avec les élèves, nous avons lu La ruelle de Céline Comtois pour inspirer nos premiers ateliers d’écriture. Nous avons donc procédé à une relecture, cette fois-ci, avec l’intention d’observer une phrase qui paraissait bien simple, mais qui, au fond, était grandement porteuse de sens. En réalité, vous (oui, oui! vous!) avez en votre possession plusieurs albums qui vous permettront de travailler les phrases complexes et d’amener vos élèves à en produire à leur tour.

Coup de cœur d’Amélie: de nouvelles classes de mots

Une idée complètement nouvelle pour moi fut celle de catégoriser les mots selon s’ils sont PLEINS ou OUTILS. Les mots pleins correspondent généralement à une idée dans la phrase. Les mots outils relient les idées entre elles. Pour faire comprendre la différence entre les deux aux élèves, nous avons commencé par mimer les mots d’une phrase :

« George apporta la tasse de thé à Grandma avec un sachet »

© La potion magique de George Bouillon de Roald Dahl.

Ils ont réalisé que George, apporta, tasse, thé, Grandma et sachet se mimaient beaucoup plus facilement que la, de, à, avec et un. Ils sont restés quelque temps avec l’idée que les mots pleins se mimaient toujours, mais l’art dramatique a ses limites en grammaire! Peu à peu, ils ont réalisé d’eux-mêmes que ceux-ci apportaient une IDÉE importante à la phrase. Lire une seule catégorie de mots à la fois les a beaucoup aidés : « George apporta tasse thé Grandma sachet » leur parlait davantage que « la de à avec un »…(Quelques fous rires à prévoir!) À partir de là, travailler les classes de mots n’était plus une corvée mais plutôt un délice! « Mme Amélie!!! Les noms sont toujours des mots pleins!!! Mais pas les déterminants… »

Lorsque vos élèves seront habiles à reconnaitre les mots pleins, les mots outils, la décomposition et la fusion; imaginez à quel point ils deviendront aussi habiles pour reformuler les informations lorsqu’ils composeront des textes! D’ailleurs, lorsqu’ils liront des documentaires, ils pourront décomposer en idées simples les informations lues. Ensuite, ils pourront fusionner celles-ci pour les recomposer avec leur plume, leur voix. Adieu le plagiat et les prises de notes interminables!

Coup de cœur de Lucie : une nouvelle conception de la phrase

Dès le début de la formation, Isabelle Montesinos-Gelet a su capter mon attention en revenant sur une expression souvent utilisée lorsqu’on veut apprendre aux élèves à mieux construire leurs phrases :

« une phrase, une idée »

Elle nous a ramené à la conception même de ce qu’est une idée et nous a amené à les repérer dans de courtes phrases.

Dans la phrase « Jules admirait beaucoup Jim. »; il y a l’idée qu’on parle de Jules, qu’il admire Jim, donc il y a aussi Jim et il l’admire beaucoup. Cette phrase contient donc 4 idées.

(C) Jules et Jim, frères d’armes, Goldstyn, Bayard jeunesse p.5-6

Tout comme Benita et Amélie, j’ai fait plusieurs activités de ce genre avec mes élèves dans leur cahier Résolution de problèmes linguistiques. J’ai commencé par des phrases simples et j’ai augmenté le niveau de difficulté, toujours en utilisant des phrases tirées d’albums de littérature jeunesse déjà lues en lecture interactive. La prochaine étape sera donc de donner les idées minimales d’une phrase afin que les élèves apprennent à produire des phrases complexes tout en gardant le sens de celles-ci. Par la suite, ils pourront réinvestir cette stratégie dans leurs propres textes en fusionnant des phrases simples afin qu’elles soient élaborées et bien structurées.

Que de potentiel avec la littérature jeunesse, n’est-ce pas?! Toutefois, avant de travailler la grammaire à partir d’albums, rappelons-nous ceci:

La lecture d’œuvres littéraires sert tout d’abord à nourrir l’existence.

(C) Isabelle Montesinos-Gelet

 

Pour avoir plus de détails sur cette formation, nous vous conseillons fortement de lire l’article d’Isabelle Montesinos-Gelet dans le Pollen #26. Il existe aussi le livre didactique Enseigner la phrase par de la littérature jeunesse, édité chez La Chenelière, qui fera naitre chez vous de nouvelles pratiques liées à l’enseignement de la grammaire.


Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans l’article…