Par Annie Gravel


Il y a quelques semaines, nous avions un trou dans l’horaire de publications pour le blogue. J’ai alors proposé qu’on repartage un article hautement important à mes yeux, celui de l’éducation anti-raciste de notre collaboratrice Benita. Le moment était parfait comme le mois de février venait de commencer – le mois de l’Histoire des Noirs. On a toujours besoin d’un rafraîchissement de ces conseils, surtout avant d’aborder ce sujet. Dans cet article, on retrouve une bibliographie de plus de 125 titres francophones ayant des protagonistes racisés. C’est un travail qui m’avait pris un temps de fou, mais dont j’étais (et je suis encore) très fière!

Lorsque j’ai repartagé l’article, je me suis demandé si ça valait la peine que je fasse une mise à jour de la bibliographie qui datait de 2020. J’ai noté dans mon téléphone les titres qui me venaient en tête qui ne figuraient pas dans la liste initiale… En quelques minutes, j’en avais pas loin d’une trentaine! Clairement c’était pertinent que je me relance dans cette longue tâche!

C’est donc avec un grand plaisir que je vous partage aujourd’hui une nouvelle bibliographie sur la diversité culturelle. Je suis également très fière de vous annoncer que pour cette bibliographie, je me suis concentrée sur les nouveautés (2020 et plus) québécoises seulement. Oui, oui! J’ai trouvé 100 titres publiés, écrits ou illustrés ici même. C’est incroyable de voir comme les mentalités ont changé et comme le monde de l’édition est prêt à s’améliorer en quelques années à peine. J’ai bon espoir qu’un jour, nous n’aurons même plus besoin de faire ces bibliographies!

Comme pour la première édition de la bibliographie, lorsque l’auteur.rice ou l’illustrateur.rice est lui-même.elle-même racisé.e, j’ai pris soin de mettre son nom en gras afin que son travail soit encouragé en priorité.

Voici la fameuse bibliographie!

En faisant mes recherches pour la bibliographie, trois noms revenaient à maintes et maintes reprises. Peu importe la maison d’édition pour laquelle elles travaillaient, il y avait (presque!) toujours des personnages diversifiés dans leurs œuvres. Je leur ai donc demandé pourquoi c’était important pour elles. Voici ce que Dïana Bélice, Emilie Ouellette et Sabrina Gendron avaient envie de vous partager. Merci pour votre précieuse collaboration mesdames!

Dïana Bélice, autrice

«Je dévore des livres de tous genres, depuis aussi loin que je me souvienne.

Et ce qui m’a marquée de cette expérience, c’est que je n’arrivais jamais à dénicher des personnages qui me ressemblent. En tant que Québécoise, fière représentante de la communauté haïtienne, je ressentais le besoin pressant de me reconnaître dans la littérature ; de lire, découvrir, des protagonistes que je pouvais regarder et me dire : « Wow ! Ça pourrait être moi ! »

Si en devenant autrice, présenter des histoires de personnages de la diversité culturelle n’a pas été une tâche aisée, j’ai persévéré afin de prendre soin de la petite Dïana, et en même temps, faire en sorte que des jeunes issus de tout horizon puissent à leur tour se retrouver et révéler en mes héroïnes et héros des modèles positifs auxquels ils ont envie de s’identifier et aspirer. »

Emilie Ouellette, autrice

« Avoir des personnages diversifiés dans mes livres, c’est super important pour moi pour plusieurs raisons.

Premièrement, si je pense à la diversité en tant que différence ou comme quelque chose qui sort de la norme, c’est quelque chose qui me rejoint énormément. J’ai toujours été une personne qui ne fittait pas dans le moule. Je jouais à des jeux différents, je ne m’habillais pas comme les autres, je ne faisais rien comme mes ami.es, bref j’ai toujours rêvé de voir des héroïnes comme qui me ressemblait en termes de personnalité, mais je n’en trouvais pas.

Ensuite, si je pense à la diversité en tant que diversité ethnique, rapidement, j’ai eu envie de voir autre chose que des personnes blanches. J’avais envie de connaître la réalité d’autres personnes, de voir d’autres perspectives, de découvrir des choses nouvelles.

Puis quand j’ai eu mes enfants qui sont tous les quatre métissés, c’est devenu inévitable pour moi. Surtout lorsque ma plus vieille m’a dit un jour qu’elle ne se voyait nulle part. Dans aucun film, dans aucune histoire, dans aucun jouet, dans rien.

Je me suis promis que j’allais faire tout ce que je pouvais pour mettre en lumière des personnages diversifiés dans mes histoires pour que des personnes comme mes enfants puissent se voir exister. C’est Viola Davis qui a dit un jour que la représentation était essentielle parce que tu as besoin de voir une manifestation physique de ton rêve. Tout le monde a besoin de voir que quelque chose est possible pour voir le concrétiser.

Alors pour toutes ces raisons, ça restera toujours une priorité pour moi de penser à mes personnages en termes de représentation du monde dans lequel je vis. »

Sabrina Gendron, illustratrice

« Comme je te disais, je ne m’attendais pas à ce qu’on me pose des questions à ce sujet! Mais en y repensant, c’est vrai que je fais souvent des personnages racisés dans mon travail. Je dois t’avouer que ce n’est pas nécessairement calculé. Ça vient assez naturellement, dans un simple souci de dessiner toutes sortes de personnages. C’est comme cela depuis que je suis toute petite. J’ai toujours trouvé ça intéressant de représenter des personnages variés.

Dans le cadre de mon travail, lorsque je reçois un manuscrit, j’ai parfois des indications de la part de l’auteur/autrice ou de l’éditeur concernant le look des protagonistes. Il y a quand même un souci de diversité partagé parmi mes collègues en littérature jeunesse. À d’autres moments, c’est moi qui propose le design d’un personnage. Ça dépend vraiment des projets. Certains textes n’ont pas de description physique précise. C’est alors une bonne occasion de proposer un personnage un peu différent de ce qu’on voit plus fréquemment.

J’y vais au ‘feeling’, mais les auteurs et éditeurs sont souvent d’accord avec ces propositions.

J’ai réalisé avec le temps que ça a un réel impact. J’ai en effet reçu des messages de la part de parents ou d’enseignants me disant que certains jeunes issus de minorités étaient attirés par mes pages couvertures et on le goût de lire, car ils se sentent représentés. C’est touchant de lire ces beaux commentaires! »

Crédit photo pour Dïana Bélice : Nadia Zheng
Crédit photo pour Emilie Ouellette : Isabelle Lafontaine
Crédit illustration pour Sabrina Gendron : Sabrina Gendron