Un article de Louisanne Lethiecq


Lors d’un séjour en camping dans la forêt, une mère demande à son garçon d’aller déposer le sac d’ordures dans le conteneur prévu à cet effet.  Une fois arrivé à destination, le garçon eut toute une surprise lorsqu’il constata qu’un ourson prenait son petit-déjeuner au fond du conteneur.  Effrayé par le mammifère, il s’enfuit à toutes jambes. Malheureusement, le petit gourmand aux oreilles rondes semblait maintenant incapable de sortir de l’énorme boîte métallique. Pour permettre à l’ourson de se sortir de sa fâcheuse situation, la mère de l’enfant, accompagnée de ce-dernier, usa d’imagination.

« N’aie pas peur » de la très talentueuse Andrée Poulin publiée en septembre 2015 chez Comme des géants est une œuvre remarquable à plusieurs égards. Écrit dans un style novateur, le texte fait penser à un récit à deux voix. En effet, il met en parallèle la même histoire, mais vécue par deux personnages différents, soit un garçon et un ourson. En très peu de mots, l’auteure prolifique raconte une touchante histoire qui traite de la peur. En fait, il s’agit pratiquement d’un album sans texte, car on ne retrouve que trois phrases qui se répètent à certains moments dans l’histoire afin d’établir un rapprochement entre la peur vécue par l’enfant et celle ressentie par l’ourson. Aussi, dans cette oeuvre où le texte tient un rôle secondaire, la présence d’onomatopées permet d’offrir une voix aux animaux tout en expliquant certains détails qui, autrement, auraient probablement échappé au lecteur.

Au deuxième degré, on note que cet album traite également de la relation entre l’homme et les animaux ainsi que des changements de mode de vie de certains animaux sauvages en raison de la présence humaine. Cela dit, c’est sous le thème du respect et de l’entraide que les personnages évoluent. Au fil des pages, le lecteur découvre une gradation de la peur, puis la chute teintée de tendresse et de douceur réconfortera les petits cœurs apeurés.

 Si, à première vue, les pages de garde vous semblent identiques, c’est qu’il vous faudra regarder de plus près. Bien que les arbres restent au même endroit, les cardinaux écarlates, les gaies gris et les parulines intrépides, quant à eux, se déplacent avec aise au cœur de leur habitat; preuve que la forêt est un milieu de vie riche et en constante évolution.

Créées à l’aide d’une technique mixte, les illustrations détaillées et évocatrices de Véronique Joffre sont superbes. Jouant avec les couleurs et les textures, les illustrations sur fond blanc soutiennent admirablement bien la narration visuelle de l’œuvre.  Dans cet album, le rapport de collaboration entre le texte et l’image est essentiel à la compréhension.  À ce sujet, il serait intéressant d’animer une lecture répétée de l’œuvre en classe en utilisant deux dispositifs de lecture différents dans le but de faire ressortir l’importance du rapport texte-image. Aussi, une première lecture de l’album sans montrer les illustrations permettrait aux élèves d’imaginer les illustrations du livre. Puis une seconde lecture de l’œuvre entière permettrait alors de comparer les illustrations imaginées par les élèves à celles de l’illustratrice française.

Détail intéressant : la dernière double page illustre la nuit qui est tombée sur la forêt et si vous prêtez attention au ciel étoilé au-dessus du couvert forestier, vous remarquerez deux constellations connues.

« N’aie pas peur » par Andrée Poulin paru chez Comme des géants, un album incomparable aux odeurs de sous-bois, de peur et de courage.

CC   © Louisanne Lethiecq


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