Un article de Louisanne Lethiecq

Sous la politique de l’enfant unique, dans les années 1980, de nombreux enfants ont souffert de solitude en Chine. Aussi, lorsque les grands-parents n’étaient pas disponibles pour garder leur petit-enfant, il était fréquent que celui-ci passe la journée seul à la maison à attendre que ses parents rentrent du travail.

alb2337_enfantseule_enseignelitterature-2 Inspirée d’un fait vécu, «L’enfant seule» publiée aux éditions Comme des géants est une bande dessinée sans-texte qui raconte l’aventure d’une petite fille qui, laissée seule à la maison, décide de se rendre chez sa grand-mère en autobus. Épuisée par le long trajet à travers la ville, les quartiers résidentiels et industriels, l’enfant s’endort doucement, pour ensuite se réveiller loin de sa destination et complètement perdue. Elle rencontre alors différents personnages qui ponctueront son parcours initiatique de peur, de courage, mais aussi d’amitié.

Le travail à la fois colossal et remarquable derrière cette œuvre imposante, traduit bien le talent exceptionnel de Guojing. En effet, les 108 pages n’auront pas suffi à assouvir ma soif pour l’univers onirique de cette brillante illustratrice chinoise. À chaque relecture, j’anticipe la fin de l’œuvre, comme si je voulais que le plaisir de la lecture se prolonge encore un peu, encore une page.

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Les illustrations monochromes dans les tons de beige, noir et gris expriment admirablement bien la solitude et la détresse de l’enfant. En outre, les expressions corporelles et faciales des personnages sont tout à fait réussies. En effet,  l’ennui, la colère, la peur et la joie sont impeccablement bien dépeints sur le petit visage rond de la fillette. Tout est juste.

Le nombre de planches par page, le cadrage, les plans de vue, tout semble avoir été minutieusement pensé et le résultat est judicieux. Aussi, le rythme est tantôt rapide pour enchaîner une série d’actions ou un déplacement et parfois lent pour permettre au lecteur de ressentir et de s’imprégner de l’émotion vécue par l’enfant. Tout ceci, sans le moindre heurt de transition.

Je suis reconnaissante à Guojing d’avoir imaginé et créé un tel chef-d’œuvre. «L’enfant seule», une bande dessinée puissante, touchante et qui suscite l’émerveillement et l’admiration. Un univers désarmant qui m’accompagne bien au-delà de la lecture, comme un parfum d’émotions à la fois tendre et amer, qui me berce encore, longtemps après avoir refermé le livre. Un récit émouvant qui m’embrume les yeux à chaque lecture.

De loin, une des œuvres les plus magnifiques qu’il m’ait été donné de lire.

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Pour vous procurer cette oeuvre remarquable: