Réseau littéraire autour d’un personnage stéréotype : Le lion dans les contes

Par notre collaboratrice spéciale Karine St-Cyr, conseillère pédagogique CSS des Phares

L’univers des contes recèle de trésors à exploiter avec les élèves en salle de classe. Dans cet article, cinq contes autour du personnage du lion sont mis en réseau avec l’intention d’initier une discussion sur ses traits de caractère à travers les œuvres choisies. Certaines caractéristiques comme la force, la sagesse, la majesté et d’autres qualités souvent attribuées au lion en font « l’une des figures les plus fréquentes dans la littérature orale et plus particulièrement dans les fables et les contes animaliers » Ouachene (2020). Ces caractéristiques sont-elles toujours présentes ? Et si on allait au-delà des stéréotypes proposés ?

Cliquez sur l’illustration pour en savoir plus sur les oeuvres choisies

Pour débuter, la nouvelle publication de Renée Robitaille, Adèle et la douceur (2021), introduit d’une très belle façon l’univers du conte en général. Dès le début de l’album, nous sommes plongés dans l’atmosphère confortable et rassurante d’une histoire racontée par Mamie mettant en scène le soleil et le vent. Voilà une belle façon d’amorcer la thématique avec les élèves et de les plonger dans l’ambiance cet univers fabuleux !

Voici maintenant les différentes façons dont le lion est représenté dans les albums du réseau littéraire sur ce personnage :

Le lion dans Le lion et la souris

Le premier titre choisi pour mettre la table de ce réseau littéraire est l’album sans texte Le lion et la souris de Jerry Pinkley (2012). Il s’agit d’une adaptation de la fable traditionnelle d’Ésope, de Phèdre et de La Fontaine dont nous pouvons justement lire les différentes versions à la fin de l’album. Une petite souris se cache d’un oiseau de proie et grimpe sans le vouloir sur le dos d’un lion. Ce dernier l’attrape, mais au lieu de la manger, la laisse partir. Le lion ici est majestueux et bon. Plus tard, le lion se fait prendre entre les filets de chasseurs et c’est grâce à la souris, qui va gruger les cordes, qu’il aura la vie sauve à son tour. Donc, malgré toute sa prestance, le roi de la jungle peut s’avérer vulnérable et avoir besoin des autres.

Le lion dans Lily-Rose et le gros méchant lion

Cet album de Alex T.Smith (2015) est un conte moderne. Le lecteur reconnaitra l’adaptation du conte Le petit Chaperon rouge de Perreault. La belle Lili-Rouge doit aller chercher de la crème à boutons pour sa tante Rose. En chemin, elle rencontre non pas un loup, mais un lion. Les plans de ce dernier de se sustenter de la petite fille et de sa tante sont mis de côté par la cure de beauté initiée par Lili-Rouge. Cheveux, dents, tenue : tout y passe ! Lily-Rose qui l’a démasqué veut lui donner une bonne leçon ! Ainsi caricaturé, il devient un lion docile, soumis et domestiqué faisant partie de la famille à la fin de l’histoire. On le surprendra même à jouer à la corde à danser ! Ce qui est différent de ce qu’on imagine de ce gros mammifère.

Le lion dans La souris qui rugit

Dans ce conte moderne de Rachel Bright (2016), la souris, ignorée de tous, voudrait bien rassembler au lion parce que « La vie de souris, ce n’est pas évident. ». S’armant de courage, elle projette d’aller le voir pour avoir son secret. Ce lion règne sur son territoire avec prestance du haut de son rocher et montre avec plaisir qu’il est le plus fort et qu’il aime être admiré : « Oui, tous sont impressionnés par le roi des félins ». Or, nous apprendrons qu’il n’est pas si infaillible et qu’il a peur … des souris. À la fin, il montre son côté amical avec sa nouvelle copine la souris.

Le lion dans Diabou N’dao et le lion

Le conte traditionnel africain est court, rythmé, accompagné de musique, et s’avère l’instrument de partage des valeurs par excellence. Il reflète une vision du monde transmise à travers les générations et qui contribuera à la pérennité de la mémoire collective.

Dans cette adaptation de Frank Sylvestre, Diabou, une petite fille têtue et gourmande s’oppose au le lion qui terrasse le village. Diabou adore les nioules, les petites noix dans les fruits des palmiers. Or, le lion qui trône sur la colline s’est levé fâché et affamé. Il s’approche du village. Il se fait menaçant avec son rugissement intense et use de son pouvoir pour faire peur. Tout le village se réfugie à l’intérieur. Sauf Diabou, qui reste là malgré les avertissements de sa mère, de son père et de son frère. Dans cette partie de récit en randonnée, même Dieu va s’en mêler et prévenir Diabou, laissant voir que la religion conserve une place importance dans ce qui est véhiculé. La formulette répétée indique que Diabou ne déroge pas à son activité : « Ce n’est pas un petit lion qui va m’empêcher de manger mes nioules. Je mange mes nioules ! » On voit clairement que la gourmandise est plus forte que tout.

Le lion mangera Diabou, qui le mangera par la suite. Cet enchainement se répétera, laissant le lion en position d’infériorité ainsi pris dans le ventre de Diabou. Le lion est maintenant un maillon de la chaîne alimentaire.

À la fin, Diabou fera sortir le lion de son ventre devant tous les villageois. Le lion, traumatisé et surtout vaincu par l’enfant, n’aura pas le choix d’abdiquer et va s’enfuir. Plus jamais le roi des félins n’ira embêter le village ! Pour les curieux, Renée Robitaille a également rédigé sa version de ce conte intitulé Fatoumata (2013). Dans cette adaptation, l’héroïne engloutit plutôt des cacahuètes « Je croque mes cacahuètes, laissez-moi tranquille. »

Le lion dans Le lion et le singe

Dans ce conte traditionnel animalier, l’auteur, Frank Sylvestre met en scène des animaux personnifiés. Ces traits humains que l’on attribue aux animaux sont exagérés, laissant voir de façon exponentielle, les travers humains. Au début du conte, un lion solitaire est présenté :

« Le lion est toujours tout seul. Il n’a pas d’amis. »

En effet, régnant au-dessus de la chaîne alimentaire, il inspire la peur.

En position de supériorité au début, il se promène donc avec assurance sur la savane puisqu’il n’a pas besoin de craindre des prédateurs.

« Or, ce jour-là, il n’a envie de manger personne. Tout ce qu’il veut, c’est qu’on le regarde marcher. »

Prétentieux, il veut qu’on le regarde marcher dans toute sa magnificence.

Cependant, le lion tombe dans un trou et devient vient en position de vulnérabilité. Le singe, quant à lui, mange tranquillement sa banane sur une branche au-dessus du trou. À la suite de la promesse du lion de ne pas manger le singe, ce dernier l’aidera à sortir du trou. Ne dit-on pas que l’on a parfois besoin d’un plus petit que soi ? Or dès qu’il est libéré, le lion a soudain très faim. Il est même prêt à sacrifier celui qui lui a rendu service pour satisfaire son besoin. Cette faim, plus forte que la parole, l’éloignera de sa promesse. S’en suit un récit de randonnée par énumération où le lion va questionner la vache, le cheval et finalement la tortue pour valider si une bonne action en entraine une autre par le biais de la formulette : « Est-ce qu’une bonne action apporte une bonne action ? Réponds. »

Le lion, ingrat, ne respecte pas sa parole. Il finira par retomber dans le trou puisqu’il est trop impatient d’avoir la réponse de la tortue. D’où l’importance d’être bienveillant avec autrui sinon le sort peut jouer en notre défaveur. Du lion dominant et en contrôle au début du récit, on le retrouve en position d’infériorité, pris dans le trou à la merci du chasseur qui est sur le point de venir. Il a pris les choses pour acquises, certain qu’il est au-dessus de tout.

LIENS ENTRE LES OEUVRES

Plusieurs ressemblances caractérisent le personnage du lion dans les contes choisis pour le réseau littéraire. En effet, le lion est d’abord en position de supériorité et termine en position d’infériorité. Cette vulnérabilité peut être perçue quand le lion se retrouve dans le trou dans Le lion et le singe, quand le lion est avalé et descend dans le ventre de Diabou dans Diabou N’dao et le lion., quand le lion se fait maquiller et habiller dans Lily-Rose et le grand méchant Lion et quand le lion rencontre la souris dans La souris qui rugit et en a vraiment peur.

De plus, les lions tiennent à satisfaire leur faim et lorsqu’ils ne résistent pas, cette quête jouera en leur défaveur. Ils pensent, à tort que leur statut de prédateur les avantage. En effet, certains se feront prendre par un filet (Le lion et la souris) ou encore par un trou (Le lion et le singe).

Les contes choisis pour le réseau placent le lion en position de supériorité au début. Ils sont les plus grands, les plus forts. Le lion est le roi des animaux (Le lion et le singe) ou de la savane (Lily-Rose et le grand méchant Lion et le Lion et la souris), il trône sur la montagne (Diabou N’dao et le lion) et règne sur son territoire (La souris qui rugit). Ce qui les oppose aux personnages de Diabou, de la souris, de Lily-Rose et du singe qui sont petits et en position d’infériorité. À la fin, ce sera l’inverse : ces derniers seront en position de supériorité.

L’intelligence et la ruse triomphent de la force physique dans les contes présentés. En effet, lorsque l’on en fait l’analyse, on peut voir que Diabou, le singe, la souris et même Lily-Rose vont vaincre le lion, malgré leur petite taille. Ils ont su se montrer plus malins. Un parallèle peut facilement être effectué avec notre société où ce n’est pas nécessairement toujours le plus fort qui remporte, ce qui peut surprendre et nous faire réaliser que l’on peut avoir besoin d’un plus petit que soi dans le cas du Lion et du singe et du Lion et de la souris ou encore que ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous ne pouvons pas réaliser de grandes choses dans le cas de Diabou N’dao et le lion.

Finalement, on peut constater toute la richesse du personnage du lion que nous pouvons exploiter par le biais d’un réseau littéraire sur le lion intégrant les contes. Une thématique qui saura assurément captiver petits et grands ! Bonne découverte !

Merci spécial à Sophie Michaud et Marie-Hélène Charest !

Une grande force des réseau littéraire est de pouvoir établir des comparaisons entre les livres lus. Voici un exemple de tableau pouvant étre créé au fil des lectures.

Exemples d’adjectifs pour caractériser le lion à travers les cinq œuvres du réseau
Titre de l’œuvre	Caractéristiques physiques du lion	Traits de caractère du lion
Le lion et la souris	magnifique, majestueux, imposant, pelage couleur sable, imposant …	bon, gentil, empathique, noble, amical …
Lily-Rose et le gros méchant lion	fort, crinière dense, coquet, picoté …	docile, soumis, domestiqué, affamé, naïf, vulnérable, comique …
La souris qui rugit	fort, crinière foncée, imposant …	dominant, craintif (souris), grande prestance, amical …
Diabou N’Dao et le lion	fort, imposant, énorme tête, pelage couleur sable, crinière fournie …	fâché, menaçant, méchant, affamé, tenace …
Le lion et le singe	fort, imposant, flamboyant …	fier, prétentieux, vulnérable, affamé, ingrat, vaniteux, dangereux, solitaire. colérique, impatient …