Par Caroline Côté

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Que soit à l’oral, lors d’échanges spontanés ou dans leur carnet de lecture, les élèves sont appelés à justifier leurs avis à un moment ou à un autre. Quels sont vos constats ? Vos élèves arrivent-ils à justifier leur réponse de façon précise ? Choisissent-ils les bons exemples ou extraits dans une œuvre pour appuyer leurs propos ? Sont-ils en mesure de porter un regard sur leur réponse et de s’ajuster, au besoin ?

Évidemment, apprendre à justifier ne se fait pas du jour au lendemain. La maturité et le niveau des élèves jouent un rôle important, tout comme le degré d’exposition à des échanges riches grâce aux dispositifs variés que nous mettons en place dans notre classe. N’en demeure pas moins que ces derniers misent parfois sur des détails plus futiles ou minces lorsqu’ils font une justification – vous savez, ce genre de preuve qui apparaît à une seule page, très rapidement, et dont l’auteur n’en refait pas mention le reste de l’œuvre ..? Vous le vivez certainement autant que moi.

Derrière ces observations, des questions me viennent inévitablement en tête : est-ce que mes élèves savent comment juger la force de leur justification pour pouvoir s’améliorer ? Savent-ils ce qui fait qu’une preuve est plus forte comparativement à une autre ? Est-ce que mes élèves ont suffisamment d’occasions pour partager leur justification et ainsi être exposés à plusieurs formulations et avis ?

Si la réponse est non, voici deux activités intéressantes à intégrer à vos pratiques; testées et approuvées avec les groupes que je soutiens au quotidien. Elles proviennent de Brooke Geller lors de son atelier au Saturday Reunion du Advancing Literacy – Teachers College d’octobre dernier.

Activité 1 : classer les preuves justificatives

Pour réaliser cette activité, proposez d’abord une affirmation aux élèves en lien avec une oeuvre lue (ou un film d’animation, comme dans l’exemple qui suit) et une dimension ciblée. Dans ce cas-ci, le but était de justifier le trait de caractère du personnage principal. Ensuite, préparez d’emblée des preuves justificatives. Pourquoi ? Simplement par souci de graduer les exigences. Ainsi, les élèves peuvent mettre toute leur énergie à évaluer la validité des exemples, car la conceptualisation des idées et leur énonciation ont été écrites pour eux – ils auront amplement d’occasions de le travailler avec leur propre réponse ensuite.

Les élèves sont placés en équipe. Ceux-ci reçoivent les étiquettes sur lesquelles les preuves sont inscrites. Ils doivent s’entendre pour les classer selon leur force. Un retour en grand groupe est ensuite fait. Ici, l’application Jamboard a été utilisée. Elle est idéale lors du partage en grand groupe pour déplacer les preuves au fil des discussions (activité réalisée à partir du film d’animation Pip.)

L’intérêt de cette activité réside dans les échanges que vous aurez avec vos élèves sur ce qui fait qu’une preuve est plus forte qu’une autre. Je vous conseille aussi fortement de profiter du moment pour améliorer celles qui se retrouvent dans la colonne de droite : Je crois comprendre ce qu’on veut dire ici, mais en quoi cela prouve que … ? Que peut-on ajouter à cette preuve pour réellement prouver que …?

Activité 2 : ordonner les preuves justificatives

Une autre façon d’amener nos élèves à affiner leurs réflexions, et surtout, à les aider à mieux juger leurs réponses dans le but de les améliorer, est de les ordonner. Comment ? Très simple. Une ligne dessinée au tableau. Chaque extrémité représente le degré de la force de la preuve. Et ensuite ? En grand groupe, ou en sous-groupe comme dans l’exemple suivant, le partage et la discussion sont à l’honneur. Nous lisons les justifications des autres, nous tentons d’évaluer la force de la preuve et les stratégies utilisées, nous soulevons les points forts ou les « faiblesses » de la réponse, nous proposons des améliorations, et enfin, nous tentons de les placer sur « la ligne graduée de force ».

Petit conseil : Réalisez d’abord cette activité avec des preuves déjà formulées par vous, comme dans l’exemple 1. N’hésitez pas à le faire fréquemment de cette façon en premier lieu. Cette 2e activité est très riche, car elle se veut métacognitive et collaborative. Le but ici est d’amener les élèves à poser un regard plus critique sur leur travail dans le but de l’améliorer, et ce, à l’aide des pairs. MAIS ! cette activité exige aussi un climat qui mise sur l’ouverture d’esprit, la confiance et le respect. Partager/afficher/comparer ses réponses avec les autres peut en effet être une source importante de stress chez certains élèves, surtout s’il ne s’agit pas d’une pratique courante dans votre quotidien.  Il faut donc prendre le temps d’expliciter clairement l’objectif de l’activité, et d’établir de bonnes bases.

Travailler en sous-groupe lors de cette activité peut être gagnant : les élèves sont plus concentrés, car ils se retrouvent en proximité avec l’adulte et les pairs, et ils ont moins de réponses à analyser (« moins, mais mieux »). De plus, il peut être moins intimidant de partager sa réponse dans un plus petit groupe. Aussi, les élèves se sentent souvent plus concernés, car ils seront inévitablement plus sollicités. Pour favoriser ce type de regroupement ? La collaboration avec votre orthopédagogue peut être une précieuse solution !

Bien que la justification soit un apprentissage sur le long terme, il est toujours intéressant de pouvoir essayer de nouvelles pratiques pour accompagner nos élèves dans leur apprentissage.

Que pensez-vous de ces deux activités ? Quelles sont celles que vous privilégiez déjà en classe ?

Vous aimez ce visuel pour illustrer l’idée de force pour les preuves justificatives ? Cliquez sur l’image et vous y accéderez.