Un article de Louisanne Lethiecq

Le traitement du temps est un élément de l’album qui est malheureusement trop peu exploité. Lors des entretiens de lecture, nous abordons les personnages, les lieux et parfois la chronologie des événements, mais l’exploration du traitement du temps pourrait également favoriser le développement des habiletés langagières des élèves, plus particulièrement en ce qui concerne les capacités à inférer et à justifier. Alors, pourquoi ne pas en profiter en incluant également ces éléments dans nos lectures?

Dans la littérature jeunesse, certains albums racontent une histoire qui se déroule sur une très longue période de temps, une décennie ou même toute une vie. On peut notamment penser à « Petit vie deviendra grande » par Aurélie Romain ou à « Moi, j’attends… » de Serge Bloch. Alors que d’autres œuvres mettent en scène une histoire qui se déroule sur une période très courte, une journée, une heure ou même quelques minutes.

Puisque le traitement du temps diffère grandement d’un album à l’autre et cette différence gagne à être explorée avec les élèves du préscolaire et du primaire. Elle amène une richesse et une profondeur à la compréhension de l’œuvre et de l’intention de l’auteur.

Quelques pistes de questions pour travailler le temps

Aussi, je vous propose maintenant d’explorer cette composante à l’aide d’une œuvre remarquable publiée aux Éditions courtes et longues. Il s’agit de l’album de Jean-Luc Buquet intitulé « Le Petit Chaperon rouge, la scène de la chemise de nuit ». Cet album, pratiquement sans texte, se prête magnifiquement bien à l’exploration du temps, et ce, pour plusieurs raisons. Avant même de débuter la lecture, vous remarquerez que les pages de garde initiales annoncent déjà la vision de l’auteur.

Si le texte qui se trouve à la première double page raconte fidèlement le conte classique des frères Grimm (de la galette dans le panier au grand méchant loup qui croque la grand-mère) le reste de l’album ne raconte qu’une seule scène du conte, soit le moment où le loup enfile la chemise de nuit de la grand-mère afin de duper le Petit Chaperon rouge. Déjà, on constate alors un bris dans le rythme du récit. Dès la deuxième double page, le temps ralentit et semble s’étirer.

En effet, l’auteur a choisi de situer le lecteur dans le temps d’une manière explicite et précise. Aussi, chaque double page est composée d’une horloge diaphane sur la page de gauche et d’une illustration du loup qui tente tant bien que mal d’enfiler ladite chemise sur la page de droite. Le résultat est cocasse et des plus rafraichissants. De minute en minute, le lecteur observe le terrible loup qui se débat et se contorsionne afin d’entrer dans le vêtement de la vieille dame qu’il vient d’engloutir. Réalisées à l’aquarelle et aux pastels, les illustrations dans les tons de rose et de bleu pâle contrastent avec la réputation cruelle du personnage du loup et amplifient l’effet comique de cette scène.

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© Jean-Luc Buquet « Le Petit Chaperon rouge, la scène de la chemise de nuit ». Extrait diffusé avec l’accord de l’éditeur.

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© Jean-Luc Buquet « Le Petit Chaperon rouge, la scène de la chemise de nuit ». Extrait diffusé avec l’accord de l’éditeur.

Puis, le texte des dernières pages révèle la suite et la fin du conte classique.

« Le Petit Chaperon rouge, la scène de la chemise de nuit » de Jean-Luc Buquet est une œuvre audacieuse et magnifique. Un conte dérouté, sous une nouvelle mouture savoureuse.  À découvrir!

Pour vous procurer cette œuvre, cliquez sur la première de couverture.

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