Par Alexandra Hontoy

Ma rencontre avec Eléonore Thuillier se fit dans le brouhaha et l’excitation enivrante du Salon du livre de Montréal. Avant l’entrevue, j’avais présenté à mes élèves plusieurs albums de cette illustratrice française (voir plus bas quelques pistes d’exploitation). Comme ils savaient que j’allais la rencontrer et qu’ils sont eux aussi des auteurs-illustrateurs (je fais les ateliers d’écriture), ils m’ont demandé de lui poser quelques questions. J’ai glissé certaines d’entre elles dans cette entrevue que voici…

Comment a débuté votre carrière en tant qu’illustratrice d’albums pour la jeunesse?

En 2007, j’ai quitté mon emploi de styliste de mode pour vivre en Tunisie avec mon copain de l’époque. J’ai souhaité alors changer complètement de voie et je me suis remise au dessin. J’ai ouvert alors un blogue où j’ai publié mes dessins et j’ai eu un retour des gens qui était plutôt encourageant. Quelques mois plus tard, j’ai reçu une proposition de l’auteur Michael Escoffier pour collaborer sur un de ses textes ‘’le Gentil petit lapin’’ qui fût mon premier livre.

Quelles sont vos techniques d’illustration?

Selon les livres que je fais, j’essaie de varier la technique.  Je fais presque tout à la main, parfois à la gouache, parfois à l’aquarelle. Seulement 20-25 % de mon travail se fait numériquement, sauf avec la série ‘’Rosie et Rosette’’  où j’ai plus travaillé à l’ordinateur pour créer un effet plus BD.

Quels personnages préférez-vous dessiner?

Je préfère dessiner des animaux. Je suis plus à l’aise avec les animaux pour faire passer les expressions, je les trouve plus expressifs que les humains. Je me sens également plus libre avec les animaux.

Question d’élève : Syndrome de la page blanche : que faites-vous en cas de difficulté ou en manque d’inspiration?

Je vais lire! Je regarde plusieurs livres, comme des livres sur le mouvement comme je n’ai pas fait d’études dans l’animation. Je lis donc souvent des livres sur l’animation pour m’aider à faire bouger mes personnages. Aussi, quand je dois dessiner des édifices ou des monuments, j’aime bien aller sur internet pour m’inspirer.

Question d’élève : Combien de temps cela vous prend pour réaliser une double page…un livre au complet?

Une double page me prend deux jours! Je fais souvent un livre d’un trait, souvent dans l’ordre séquentiel du livre. Quand je fais un livre, comme par exemple un livre de la collection du Loup, je peux y passer trois semaines ou même un mois à faire les illustrations de l’album. Je n’interfère pas avec d’autres projets.

Question d’élève : Est-ce qu’il y a quelque chose que vous aimez moins dessiner? 

Oui! Je n’aime pas dessiner des machines, comme une moto ou un tracteur. J’ai plus de mal à le faire.


Pistes d’exploitation…

Dans ma classe de maternelle, nous avions vu en début d’année les albums de Mario Ramos. Nous avions ressorti les caractéristiques du personnage principal de la plupart de ses œuvres : le loup. C’est donc après cette insertion dans le monde de Ramos que j’ai présenté aux élèves les albums de la collection du Loup chez Auzou. Ces albums, écrits par Orianne Lallemand et illustrés par Eléonore Thuillier présentent un loup tout à fait différent de celui de Ramos. J’ai donc créé un petit réseau littéraire autour de cette collection qui avait pour intention pédagogique de présenter une nouvelle version de ce personnage très stéréotypé. Avant la première lecture d’un album de la collection du Loup, j’ai montré aux élèves quelques premières de couverture de la collection et je leur ai demandé de me dire comment serait le loup selon eux. Bien sûr, ils s’attendaient à un loup aussi fier et  »roi-de-la-forêt » que celui de Ramos… ils ne pouvaient s’imaginer autant de divergences!

Voici un petit compte-rendu de ce réseau littéraire:

1- Le loup qui découvrait le pays des contes (2015): J’ai présenté cet album en premier pour faire un lien avec Mario Ramos qui lui aussi inclut dans ses œuvres plusieurs intertextualités en référence à des contes connus. Suite à la lecture en grand groupe, nous avons réalisé une liste tous les contes évoqués par Mario Ramos et par Orianne Lallemand. Nous avons utilisé cette liste comme point de comparaison entre les œuvres.

Le Loup qui découvrait le pays des contes - ORIANNE LALLEMAND - ELÉONORE THUILLIER

2- Le loup qui voulait changer de couleur (2010): Retour avec les élèves sur les couleurs vues en octobre. Nouveaux mots de vocabulaire reliés aux couleurs: marron, beige, etc. Discussion sur les sentiments du loup vécus dans l’histoire.

Le Loup qui voulait changer de couleurs - ORIANNE LALLEMAND - E THUILLIER

3- Le loup qui cherchait une amoureuse (2012) : Suite à la lecture en grand groupe, nous avons ressorti les caractéristiques physiques du loup (petites dents, long nez, etc.). Nous l’avons comparé physiquement à celui de Ramos. Puis, j’ai ressorti de l’album trois mots à écrire selon la démarches des orthographes approchées. Les mots étaient: ami, loup et amoureuse.

4- Le loup qui voulait faire le tour du monde (2013): Suite à une lecture à haute voix de l’album, nous avons débuté un petit projet de recherche sur les pays ou les villes qui étaient cités dans l’album. Les enfants ont choisi la ville ou le pays sur lequel ils voulaient en apprendre davantage. Chaque élève était jumelé avec un grand de 5e année pour effectuer la recherche sur l’ordinateur. Suite à celle-ci, nous avons fait une causerie pendant laquelle chaque élève présentait les résultats de sa recherche.

Les autres livres de la collection ont été lus simplement pour le plaisir. À la fin des œuvres, les élèves, par eux-mêmes, comparaient le loup avec celui de Mario Ramos (ex:  »Le loup de Mario Ramos n’auraient jamais été aussi gentil » ou encore  »Ce loup là ne me fait pas peur! »). J’étais étonnée de constater à quel point les élèves se sont attachés au personnage principal de la collection. À la fin du réseau, j’ai fait un retour avec les élèves sur les caractéristiques du loup, comparativement à leur idée avant la lecture. Nous avons ensuite comparé le loup de Mario Ramos et le loup d’Orianne Lallemand et Eléonore Thuillier en créant deux listes sur leurs caractéristiques.