Par Benita Kanozayire


Il reste 4 semaines et des poussières et l’année scolaire 2021-22 est clôturée. Au travers des évaluations, j’imagine que vous y insérer des lectures bonbons ou des albums qui mènent à de belles réflexions, n’est-ce pas? Assurément, si les lectures interactives font partie intégrante de votre planification avec la littérature jeunesse, vous savez comme moi que :

  • les élèves sont nécessairement plus engagés maintenant qu’à vos premiers pas en septembre
  • les tours de parole peuvent s’orchestrer toujours autour des mêmes élèves
  • les questions et les discussions se suivent et tendent à se ressembler par moments

Je vous suggère donc 3 outils ultra faciles à implanter pour donner un petit oumph à vos dernières lectures de l’année et qui, espérons-le, auront un effet bénéfique sur l’engagement et la richesse des échanges pendant et après la lecture.

Le napperon 

Inspiré par un atelier offert par les enseignants du Teacher’s college en mars dernier, le napperon a pour objectif de rehausser les preuves servant à appuyer les inférences. En bref, l’enseignant effectue une lecture à voix haute et arrête à un moment clé: une phrase ou une page qui laisse place à diverses interprétations, prédictions ou inférences. On place ensuite les élèves en équipe de 3 ou 4 autour dudit napperon et iels doivent élaborer une courte théorie en lien avec la phrase choisie.

Chaque lecteur parle à tour de rôle en commençant par « peut-être que … » et on termine avec le « mais« . Le formateur du TC mettait l’emphase sur le mais qui force parfois à revoir nos théories communes ou à enrichir nos preuves. Voici un exemple des échanges recueillis par mes grand.e.s devant l’extrait du roman poétique La voix de la nature  qui raconte avec force et sensibilité le parcours d’une enfant trans cherchant à suivre sa nature véritable. Cette fois-ci, l’exercice s’est fait assez tôt dans la lecture, d’où les hypothèses assez variées.

« Dans le pays des filles comme moi, les hivers durent parfois des années » – Gabrielle Boulianne Tremblay, La voix de la nature

« Puisqu’on dit que l’hiver dure des années, peut-être que c’est une créature pour laquelle le temps passe plus vite. J’ai pensé à une abeille ou une fourmi. » – F.

« Peut-être que c’est une personne âgée qui trouve que le temps passe lentement parce que personne ne vient la visiter » – O.

« Mais c’est un personnage mal dans sa peau qui raconte l’histoire, donc ça peut pas vraiment être un animal ni une personne âgée, je pense que c’est plus le personnage qui se sent seul.e et incompris.e, c’est pourquoi les hivers sont longs » – A. 

Après coup, j’ai poursuivi la lecture et les élèves confirmaient ou infirmaient leurs théories à partir du texte. C’était franchement intéressant de les entendre faire des parallèles avec d’autres réalités, pour finalement comprendre que l’hiver est une métaphore pour le sentiment de dormance ressenti avant que la fille puisse vivre sa transition. La simplicité de cet outil est désarmante: vous n’avez qu’à trouver la phrase tremplin dans un de vos coups de coeur.

Je vous laisse l’outil en version PDF juste ici : napperon peut etre mais

Psst! Si vous souhaitez encore moins vous casser la tête, affichez la phrase au tableau et laisser les élèves discuter. Merci, bonsoir.


Les « laisser-parler »

Un peu comme les laisser-passer pour circuler, les laisser-parler sont ni plus ni moins des cocardes qui donnent une priorité au droit de parole à certains élèves. L’objectif: permettre aux lecteurs plus passifs de pouvoir s’exprimer. Comprenez-moi bien, j’adore les extraverti.e.s (j’en suis!) qui mènent les discussions plus loin. J’apprécie tout autant les intraverti.e.s qui ont un sens de l’écoute hors pair. Je crois que l’un peut certainement apprendre de l’autre. Un élève moins vocal durant les périodes en grand groupe peut très certainement être habile dans les 4 dimensions en lecture. L’idée c’est de lui offrir une occasion de me le montrer en dehors des entretiens ou des entrevues de lecture. C’est dans cette optique que j’ai pensé à offrir le plancher à certains élèves pour qu’iels s’expriment en toute quiétude. Voici comment je m’y suis prise pour modéliser et, par le fait même, éviter de brusquer les uns ou de « museler » les autres. 

Comme toutes les fins d’année, mes élèves et moi plongeons dans l’univers mythique de Chen Jiang Hong. La première lecture interactive s’est déroulée comme à l’habitude (voir l’article d’Alexandra pour connaitre les bases de ce dispositif). À la fin du Prince tigre, j’ai réuni les élèves en équipes hétérogènes afin qu’elles discutent de différents aspects d’appréciation travaillés tout au long de l’année (mon outil de prédilection = ce document conçu par Lucie). Durant 5-7 minutes, les élèves élaboraient sur les thèmes, les illustrations, les personnages, etc.  L’objectif étant de donner un modèle des discussions attendues pour les lectures suivantes.

 

Le lendemain, j’ai sélectionné 7-8 élèves à qui j’ai donné les laisser-parler; ceux-ci leur octroient un droit de parole sans main levée en priorité parmi mes élèves, je me suis assurée d’équilibrer mes intraverti.e.s et mes extraverti.e.s. La fois suivante, ce sera un autre groupe d’élèves et ainsi de suite. Sur l’image, vous pouvez voir ceux ayant leur laisser-parler au cou (smileys) et ceux qui sont en posture d’écoute ou de participants volontaires (coeur).

Pour télécharger du laisser-parler, cliquez sur l’image ci-dessous. Merci à Roxane Maestre pour les dessins de microphones. 


Et les traces dans tout ça? 

En extra, je vous laisse aussi ma grille d’évaluation d’oral spontané que j’ai adaptée afin d’évaluer la communication et quelques dimensions de la lecture en situation authentique. Pour la télécharger, cliquez sur l’image ici : 


Dites-moi, lequel de ces outils avez-vous envie de tester d’ici la fin de l’année? 

Pour vous procurer les œuvres mentionnées dans l’article …