Par Benita Kanozayire et Amélie Ponton


Septembre est bien installé. L’occupationnel est enfin terminé, on plonge pour vrai. Parfait moment pour redémarrer la série « qu’est-ce que c’est » axé sur nos dispositifs favoris pour travailler la grammaire à partir de la littérature jeunesse, sans toutefois dénaturer les œuvres. Avant de s’y lancer, nous aimons bien les rappels amicaux; cet article n’y fera pas exception.

Lire pour vivre l’œuvre avant tout. Elles ont été créées pour faire vibrer l’âme, d’abord et avant tout. La première lecture se fait indépendamment de vos visées académiques liées à la PDA. Après coup, on revisite l’œuvre et on peut analyser la voix de vos auteur.ices chouchous afin de s’en inspirer.

Les deux dispositifs que l’on vous présente aujourd’hui visent à soutenir l’énonciation, c’est-à-dire la manipulation choisie par un.e auteur.ice pour formuler ses idées en mots, selon les composantes en écriture pensé par Isabelle Montesinos-Gelet (2013). Plus spécifiquement, la décomposition et la fusion (aussi appelée la combinaison) de phrases a pour objectif de partir de phrases simples et de les rendre de plus en plus complexes. C’est d’ailleurs lors d’une de ses formations en 2018 que nous avons eu la piqûre; on vous parlait d’ailleurs de la grammaire revisitée juste ici.

La décomposition, c’est…

D’abord de prendre le temps d’observer une phrase et d’en tirer les idées qu’elle contient. Prenons un extrait tiré d’un classique indémodable, La tribu qui pue, d’Élise Gravel et Magalie Le Huche, publié à la courte échelle.

La cheffe de la tribu, c’est cette toute petite fille, Fanette Ducoup

image tirée du site de l’éditeur

Combien y a-t-il d’idées dans cette phrase? Une? Deux? Plus? Prêtons-nous à l’exercice:

  1. Il y a une tribu.
  2. La tribu possède une cheffe.
  3. La cheffe est une fille.
  4. Cette fille est toute petite.
  5. Elle s’appelle Fanette Ducoup.

D’ores et déjà, on s’éloigne du principe selon laquelle « une phrase = une idée »; l’objectif ici n’est pas de renverser les mœurs mais bien  d’observer quelles sont les idées, déterminer l’idée principale et d’y greffer des idées secondaires afin de complexifier la phrase.

La fusion, c’est …

Le dispositif qui succède normalement la décomposition. L’idée c’est de partir de phrases simples et de les combiner afin de les rendre plus riches, plus complexes. Pour ce faire, on s’attardera d’abord aux unités porteuses de sens, telles que les verbes, les adjectifs, les noms. Autrement dit, ce qui nous permet de visualiser la phrase, de l’imager. Alors, si je m’inspire des exemples ci-dessus, à partir des numéros 1, 2, 4, on peut composer la phrase suivante:

Dans cette tribu, la cheffe est une fille toute petite.

On peut également la complexifier en usant de manipulations syntaxiques, en déplaçant ou en remplaçant certains groupes de mots. Cela pourrait donner ceci:

L’étrange tribu est menée par une cheffe, une petite fille drôlement petite.

On l’enseigne comment?

  1. D’abord, on décompose en dégageant les idées, idéalement jusqu’à 5 idées.
  2. Ensuite, on tente de créer des phrases à partir de 2 à 4 idées.
  3.  Finalement, on compose une nouvelle phrase en combinant différemment les mêmes idées ou en fusionnant de nouvelles.

Le tableau d’ancrage ci-contre peut vous guider afin de le bâtir avec vos élèves. Cependant, nous vous conseillons de débuter par pratiquer la décomposition d’abord à partir de vos œuvres favorites. Encore mieux s’il s’agit d’œuvres que les enfants connaissent déjà, par exemple celles qui auront fait l’objet de lecture interactive les jours précédents.

Après avoir expérimenter, il est intéressant de comparer les choix de l’auteur.ice original.e et les écrits des élèves afin d’aller plus loin. Ce qu’on aime par-dessus tout avec ce dispositif: observer l’effet que ces changements ont sur le lecteur, sur la voix, sur la capacité à se faire des images.

On l’enseigne à partir de…

Un album chouchou, une lecture interactive incontournable, un vieux classique ou une nouveauté, telle que celle de Catherine Lepage aux éditions Comme des géants qui est adorable et idéale pour aborder les émotions, l’anxiété et la bienveillance envers soi-même.

 

On l’enseigne quand?

Idéalement, il faut que les élèves aient suffisamment travaillé la phrase et ses constituants. Nous pensons que ces dispositifs peuvent être une façon de bonifier vos pratiques de métacognition, donc après avoir « rodé » quelques phrases du jour. Pour les élèves du 3e cycle, vous pourriez facilement essayer de la décomposition dès lundi prochain. Pour la fusion, c’est également possible de partir d’abord de phrases de votre cru. C’est d’ailleurs un des 6 mini ateliers proposés par Lucie, au printemps dernier, pour stimuler à écrire.

 

Allez-vous oser la grammaire autrement avec vos élèves? Allez-vous décomposer ? Fusionner? Laissez-nous savoir en commentaires !

 


Pour vous procurer les albums proposés dans cet article :