Par Annie Gravel


Quand on pense à nos périodes d’arts plastiques, on pense souvent à une réalisation que les élèves créent. Dans ce cas-ci, il est facile de trouver des idées un peu partout. Naviguer sur Pinterest, utiliser des techniques spécifiques à la manière d’un grand artiste, s’inspirer d’illustrations dans les albums jeunesse pour concevoir un projet, etc. Les avenues sont infinies!

Toutefois, quand vient le temps de travailler la compétence Apprécier des œuvres d’arts, nous sommes souvent pris au dépourvu. C’est une compétence qui est difficile pour nous-mêmes en tant qu’adulte, alors l’enseigner devient vite complexe. Dans cet article, je vous proposerai une séquence d’enseignement pour vous aider à travailler cette compétence chez vos élèves grâce à l’album Un moteur, deux portes, vingt-sept illustrateurs de Robert Soulières. Et si vous vous rendez jusqu’à la fin de l’article, il y aura même un outil qui vous accompagnera dans l’évaluation de cette compétence. Je dis ça, je dis rien!

 

Avant de commencer, laissez-moi vous présenter cet album merveilleux. Déjà, avec le titre, nous sommes intrigués. Sur la couverture, on peut y lire qu’il s’agit d’un abécédaire et en analysant le titre et l’illustration, on se doute qu’il sera sur le thème des voitures. C’est lorsqu’on tourne les pages qu’on comprend pourquoi il n’est pas comme les autres abécédaires. Ici, chaque texte de Robert Soulières est accompagné d’un illustrateur différent. D’où le vingt-sept illustrateurs (vingt-six lettres de l’alphabet et une caricature de l’auteur)! Dans cet album, Robert Soulières vient s’amuser avec les lettres pour parfois nous présenter un mot en lien avec les voitures, comme pour la lettre A où il nous décrit l’invention de l’asphalte, et parfois nous raconter des histoires, comme pour la lettre B où nous lisons une courte histoire de boîte à savon. Chaque page est teintée de l’humour singulier de Robert Soulières et est un pur délice à lire avec les élèves.

 

 

 

1 – L’enseignement du langage plastique

Lorsque vous aurez lu l’album et que vous aurez ri de toutes les blagues de Soulières, il sera important de consacrer quelques périodes à l’enseignement du langage plastique. Dans la PDA, on parle de forme, de ligne, de couleur, de valeur, de texture, de motif et de volume. On y parle également de l’organisation de l’espace, comme l’énumération, la superposition, la juxtaposition, la répétition et l’alternance. Bien que certains éléments s’adressent au premier cycle, je vous conseille fortement d’y revenir quand même. J’enseigne en 6e année et certains de mes élèves n’avaient jamais entendu parler de la différence entre les couleurs chaudes et les couleurs froides. Prenez votre temps et faites expérimenter vos élèves pour comprendre tous les éléments. On pourrait par exemple demander aux élèves de remplir une feuille blanche de différentes lignes (courbes, droites, verticales, horizontales, larges, étroites, etc.), de créer des motifs, d’utiliser la superposition, etc. Le but ici est que les élèves se familiarisent avec le langage et se l’approprient.

2- L’observation de différentes œuvres de l’album

Comme l’album recueille à lui seul 27 œuvres d’art, il devient un compagnon parfait pour cette étape. Le but ici étant de faire comprendre aux élèves que les artistes ont tous un style différent et utilisent différentes techniques pour réaliser une œuvre. Ciblez les pages qui correspondent le mieux à un élément précis pour appuyer la consolidation chez vos élèves. Par exemple, les pages de la lettre E sont idéales pour présenter les différents types de lignes alors que les pages du K sont recouvertes de motifs. Tout au long de cet enseignement, il sera important de revenir sur les choix des illustrateurs et sur l’impact de ceux-ci. Par exemple, aux pages de la lettre I, Camille Lavoie a représenté le ciel en orange. Discutez avec vos élèves sur le choix de Camille et sur l’effet sur l’œuvre. Dans ce cas-ci, l’omniprésence des couleurs chaudes est justifiée avec le fait que l’histoire se déroule dans un désert. Le ciel orangé ajoute de la chaleur à la scène.

Pour cette étape, il pourrait être intéressant de consulter la page à la toute fin avec les coordonnées des illustrateurs afin de trouver des artistes qui ont déjà été présentés dans votre classe. Dans la mienne, les élèves ont été surpris de retrouver Frédéric Normandin, l’illustrateur de La fête des Morts, et Delphie Côté-Lacroix, l’illustratrice de Florence et Léon. Cela permet également de voir comment un artiste peut s’adapter et changer de style en fonction de l’histoire. Lorsque vous tournerez les pages, laissez les élèves s’exprimer sur leurs observations et leur appréciation. Pour ma part, mes élèves m’ont fait remarquer des éléments dans les illustrations que je n’avais même pas vus!

3- La mise en pratique

Au cours de ma lecture, j’ai remarqué que l’illustration de Christiane Beauregard pour la lettre L s’apparentait aux portraits surréalistes de Picasso. J’ai donc demandé à mes élèves d’examiner l’œuvre de Christiane Beauregard et de la comparer à Woman with cap (Picasso, 1934) ou encore Portrait of Dora Maar (Picasso, 1937). Ils devaient trouver les ressemblances et les différences entre les œuvres en utilisant le vocabulaire disciplinaire. C’était une belle façon de mettre en pratique ce que je venais de leur enseigner. Vous pourriez choisir de noter cette activité et vous servir de cette observation pour évaluer la compétence. J’ai créé des bandes d’évaluation pour vous aider à porter un jugement sur leur compétence à apprécier. Elles sont disponibles juste ici : Bandes arts .

Un moteur, deux portes, vingt-sept illustrateurs, Robert Soulières, La Bagnole, 2014*

4- Retour au quotidien

Après votre séquence d’enseignement, il sera important d’être un modèle et de verbaliser dans vos lectures interactives vos observations artistiques pour que vos élèves deviennent meilleurs. Revenez avec eux sur les choix artistiques de l’illustrateur pour les aider à appliquer ce regard quotidiennement dans leur jugement également. Pensez à parler des émotions également. L’album Pow pow, t’es mort! de Marie-Francine Hébert et Jean-Luc Trudel utilise le contraste des couleurs chaudes et froides. Quel effet cela produit-il? L’album 14-18: une minute de silence à nos arrières grands-pères courageux de Thierry Dedieu est illustré au pastel dans les tons de sépia. Pourquoi n’avoir choisi qu’un seul ton à ses illustrations?

 

Depuis que j’ai fait cet enseignement, je remarque que mes élèves sont beaucoup plus attentifs aux illustrations dans mes lectures interactives. Par exemple, avant de commencer ma lecture du roman Comme un ouragan de Jonathan Bécotte, j’ai demandé aux élèves d’observer la couverture pour en prédire le sujet. Un élève a relevé que la couverture était bleue, soit une couleur froide, pour parler du sentiment de la peur que génère un ouragan. À quel point c’est extraordinaire quand nos élèves réussissent à transférer leurs apprentissages comme ça!

Et vous, comment enseignez-vous la compétence Apprécier des œuvres d’arts à vos élèves?


*extrait diffusé avec l’accord de l’éditeur

Pour vous procurer le livre dont il est fait mention dans l’article :