Par Benita Kanozayire

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Quand vous pensez au Mois de l’histoire des Noir.e.s, quels mots vous viennent en tête? Racisme, ségrégation, droits civiques, lutte, … Et quels personnages marquants voyez-vous défiler dans votre esprit? Martin Luther King, Nelson Mandela, Rosa Parks, Ruby Bridges… Évidemment, les enjeux liés au racisme sont indéniables et on ne peut aborder l’histoire en y faisant abstraction. De la même façon qu’on ne peut ignorer l’immense contribution des piliers que j’ai nommé précédemment. Cependant, je suis d’avis qu’il faut faire attention à l’angle sous lequel on aborde le tout; mon impression c’est qu’on peut facilement glisser vers le misérabilisme et nous sommes tellement plus que ça. Car oui, souligner les luttes, parler du racisme et des conséquences néfastes de la suprématie blanche encore aujourd’hui, mais nous ne sommes pas que ça.

Pourquoi est-ce important de parler de la vie des Noir.e.s autrement?

Car les enfants de couleur qui se trouvent dans nos classes ont besoin de modèles positifs auxquels s’identifier.

photo par Dayani Giguère @mamandayani (compte personnel Instagram)

Et les modèles inspirants, il y en a une foule. Et ils n’ont pas nécessairement été au front tel que MLK, ils n’ont pas nécessairement passé des années en prison comme Mandela. Et surtout, ils n’ont pas besoin d’être associés à des tragédies comme on en voit encore trop.

Car le racisme est toujours bel et bien vivant. Il n’a peut-être plus le même visage, il est parfois insidieux, subtil. Mais il est encore là.

Certains livres abordent justement des enjeux actuels, contemporains, davantage collé à ce qu’ils peuvent vivre en 2021. Je pense notamment au colorisme (i.e la discrimination liée à la couleur de peau à l’intérieur même d’une communauté, où celle étant plus pâle sera généralement favorisée socialement), aux soins des cheveux qui rappellent aux jeunes filles qu’elles sont loin des critères de beauté standards de la société. Je pense aussi aux micro-agressions liées à la prononciation des prénoms ou à la nourriture dite « exotique » qui rendent parfois les enfants (et adultes) inconfortables d’amener certains plats à la cafétéria, par exemple. Des œuvres jeunesse sont parues dans les dernières années et amènent ces sujets de manière remarquable et respectueuse. Je vous en présenterai quelques-unes dans les semaines à venir.

Parce que la vie des personnes noires compte tous les jours, pas juste en février. Elle est inspirante tous les jours, pas juste en février. L’histoire des Noir.e.s va au-delà des frontières et traverse les époques. Elle est riche, vivante, magnifique. Partout. Tout le temps.

C’est, selon moi, le point le plus important. Pourquoi limiter nos actions à 28 jours dans une année? Pourquoi se centrer sur 2-3 lectures, un film et un projet d’art et fermer le dossier après coup. Pourquoi attendre une controverse ou une tragédie pour s’indigner? Pourquoi ne pas parler des grandes civilisations noires présentes avant l’esclavage? Pourquoi ne pas mettre en lumière le chemin parcouru, tout en soulignant l’immense apport de la culture afro-descendante aujourd’hui, par des modèles bien vivants?

Des œuvres et des outils pour sortir des sentiers battus

Invaincus, de Kwame Alexander et Kadir Jones

Cette œuvre, c’est la combinaison parfaite texte-image. L’incroyable talent de Kadir Jones juxtaposé à la poésie de Kwame Alexander. L’hommage aux disparus suivi d’une ode aux vivants. Les illustrations, d’un réalisme saisissant, nous transpercent, les mots tout autant. L’auteur a rédigé une lettre d’amour à l’Amérique noire, sa nation imparfaite telle qu’Alexander la décrit. Il s’agit d’une ode aux inoubliables, aux incroyables, aux imperturbables personnages, ordinaires et extraordinaires, qui ont tissé la toile de l’Histoire mais omis des livres d’histoire.

 

Invaincus, Kwame Alexander et Kadir Jones, Scholastic (2021)*

Dans la postface, on apprend qu’il a commencé l’écriture de ce texte en 2008, l’année de l’investiture de Barack Obama comme premier président noir, année de la naissance de sa deuxième fille. C’est pour eux deux qu’il a composé ce vibrant poème. La touche de Jones ne fait qu’ajouté à la puissance du message qui se veut rempli d’espoir pour les jeunes, malgré les maux qui peuvent teinter leur parcours. Ce qui rend l’œuvre encore plus riche, ce sont les dernières pages où l’on présente de façon détaillée les personnages et les évènements présentés dans l’album. Une mine d’or d’informations.

Je vous propose d’en faire une lecture à voix haute et de simplement absorber la beauté de l’œuvre. Après avoir laissé les élèves réagir librement à l’oral, je vous propose quelques pistes de discussions et de prolongement pour d’autres matières lors d’une deuxième lecture. Elles se retrouvent à la fin du document ci-dessous, cliquez sur ici pour le télécharger: Lecture interactive – Invaincus

 

I have a dream: 52 icônes noires qui ont marqué l’histoire par Jamia Wilson et Andrea Pippins

Visuellement, nous sommes ailleurs. Couleurs vives, graphisme dynamique, le style n’est pas sans rappeler le pop-art. En ce qui a trait au contenu, il s’agit d’un documentaire dans lequel le texte est accessible et bien documenté. On aime le fait que les élèves, à partir du 2e cycle, vont assurément être attirés par cet ouvrage. On aime particulièrement le fait que plusieurs personnalités d’aujourd’hui s’y retrouvent (Usain Bolt, Beyonce et Solange Knowles, Pélé, les soeurs Williams) ainsi que des personnalités moins connues mais non moins remarquables, telle que Mae Jemison, la première Afro-Américaine à se rendre dans l’espace ou Nicola Adams, première boxeuse noire à obtenir un titre olympique.

Plusieurs domaines y sont présentés: la littérature, la science, la politique, les arts visuels, le cinéma. De quoi élargir le spectre des talents des personnes noires auxquelles on associe souvent le sport et la musique urbaine uniquement. Je possède ce documentaire depuis quelques années déjà; j’avais l’habitude de le laisser à consulter librement dans mon coin lecture. Depuis janvier, je travaille les stratégies de lecture de textes courants et je m’apprête à amorcer un module d’ateliers d’écriture sur le même genre parallèlement.

1+1 = 2 : pourquoi ne pas #évaluerautrement, à l’aide d’un entretien qui vise le genre littéraire en vedette? Voici donc l’outil bâti pour répondre à mes besoins (et aux vôtres, espérons-le!). Il a été testé brièvement avec des élèves de 5e, mais il pourrait être fait avec des élèves de 4e avec un certain accompagnement. Pour télécharger l’entretien de lecture, cliquez sur le l’image ci-dessous:

 

Nos autres publications sur le sujet se retrouvent juste ici :

Et vous, comment comptez-vous souligner l’histoire des Noir.e.s cette année?


*extrait diffusé avec l’accord de l’éditeur

Pour vous procurer les livres dont il est fait mention dans l’article :